Mohamed Cheikh Biadillah : "Il est temps que le Maroc récupère la zone tampon"


Lui-même originaire de la région du Sahara, dont sa famille fait partie des notables, Mohamed Cheikh Biadillah a été à titre personnel bouleversé par l’attaque terroriste perpétrée dans la nuit du 28 au 29 octobre 2023 à l’encontre de Smara, qui n’est d’ailleurs autre que sa ville de naissance.

Dans la nuit du 28 au 29 octobre 2023, le mouvement séparatiste du Front Polisario a perpétré des attaques terroristes à l’encontre de Smara, faisant un mort et trois blessés. Quel commentaire suscite en vous ces attaques, sachant que vous êtes vous-mêmes originaire de la ville, où vous avez vu le jour?
Les attaques de Smara sont effectivement des attaques terroristes. Elles ont visé des lieux où il n’y a pas d’infrastructures militaires. A mon avis, le Polisario, à travers ces attaques, envoie trois messages: premièrement, la volonté de faire fuir les investisseurs; deuxièmement, terroriser les Sahraouis unionistes, qui défendent leur marocanité et qui participent grandement au développement du Maroc; et troisièmement, tenter d’effrayer les Marocains dans leur ensemble et envoyer à la Minurso le signal que l’état de guerre est de mise, à la veille du vote de la résolution 2703 sur le Sahara par le Conseil de sécurité (acté le 30 octobre 2023). A mon sens, il est temps que la zone tampon soit récupérée par le Maroc. Il faut pousser le mur jusqu’à la frontière algérienne pour en finir avec ces provocations. On ne peut pas accepter que nos concitoyens se fassent assassiner par des tirs à l’intérieur de notre territoire.

Peut-on dire qu’il n’y a aujourd’hui plus aucune différence entre le Polisario et un quelconque groupe terroriste du Sahel?
La presse internationale fait parfois état d’éléments du Polisario qui évoluent au sein des organisations jihadistes sahéliennes. Dans ce grand espace, appelé l’autre mer, selon les mots de Ferdinand Braudel, les populations sont très mobiles. Il est de notoriété publique que ces gens s’échangent des idées, des armes et autres produits illicites. Dans ce no man’s land, tout est possible, et les trafics en tout genre sont fréquents.

En tant que Sahraoui, vous avez sans doute été très touché par les marches organisées dans la journée du 5 novembre 2023 dans les villes du Sahara marocain…
Ces marches sont de véritables gifles pour le Polisario. Pour la première fois, en réponse aux attaques de Smara, les marcheurs sahraouis ont qualifié de terroristes ce crime qui a coûté la vie à un jeune homme innocent de 23 ans, rejoignant ainsi, dans la terminologie, l’enquête déclenchée par le procureur du Roi de Laâyoune. Cette action crée désormais un hiatus entre le Polisario et les habitants des provinces sahariennes, qu’il prétend représenter. Ce fossé est désormais très difficile à combler. Par cet acte criminel, le Polisario a alimenté les voix qui réclament que ce mouvement soit classé comme terroriste par les organisations internationales. Enfin, l’attaque terroriste de Smara a produit l’effet inverse escompté par le Polisario. Les populations sahraouies ont aujourd’hui pris conscience du danger que représente ce mouvement et ont définitivement tourné le dos au narratif de la pseudo entité sahraouie (la “RASD”, ndlr).

Qu’avez-vous pensé du discours royal à l’occasion de la commémoration du 48e anniversaire de la Marche verte?
Le discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, ouvre de nouvelles perspectives quant à l’émergence d’une façade maritime atlantique dynamique. Après la réussite de la politique des ports de la façade méditerranéenne, le Royaume se tourne, désormais, vers son domaine atlantique. L’édification des ports dans cet espace nous permet d’être en lien direct avec le triangle atlantique: l’Amérique latine d’un côté, l’Afrique et les Caraïbes de l’autre. Je suis heureux de voir que Sa Majesté le Roi ait annoncé une série de projets: l’exploration minière, le dessalement de l’eau de mer et une flotte commerciale qui permettra au Maroc d’établir une forme de corridor avec ce même triangle atlantique. Ces mesures vont booster le développement des provinces sahariennes et vont donner un coup d’accélérateur au nouveau modèle de développement des provinces du Sud, pensé pour dynamiser les villes du Sahara marocain.


Ces projets vont bénéficier principalement aux populations de ces régions, qui recèlent un potentiel de croissance important pour le Maroc. Par ailleurs, le pipeline entre le Maroc et le Nigéria va alimenter treize pays africains et plusieurs pays européens en énergie. Il s’agit là d’une opportunité majeure pour la création d’emplois, à la fois pour les entreprises et notamment les jeunes diplômés. Le développement du port Dakhla Atlantique représente une nouvelle aubaine. Les liens avec les pays subsahariens se renforceront davantage et cela permettra d’offrir une occasion inespérée pour les Etats africains enclavés. Je pense qu’il s’agit aussi d’une main tendue pour Alger, qui pourra trouver des débouchés en matière d’export pour ses minerais.

Comment jugez-vous le développement des provinces du Sud à l’heure actuelle?
L’essor des provinces sahariennes est sans commune mesure avec ce qui prévalait avant la Marche verte, aussi bien sur le plan des infrastructures qu’en matière de superstructure, c’est-à-dire l’élite locale éduquée. La ville de Laâyoune dispose d’une école supérieure de technologie, d’un CHU, qui accueille 500 étudiants en médecine, y compris des étudiants de l’Afrique subsaharienne.

Tarfaya est dotée, notamment, d’un Institut spécialisé dans les métiers des énergies renouvelables (ISMER). La commune de Smara dispose d’une faculté pluridisciplinaire et d’infrastructures sportives de qualité. Dakhla est équipée, entre autres, d’une école d’ingénieur. Sur le plan social, les villes du Sud disposent de toutes les commodités et équipements modernes. De plus, ce sont les Sahraouis unionistes qui gèrent les affaires de leurs communes. Ce développement a également permis de faire émerger une classe moyenne très motivée, compétente, nationaliste, convaincue de la marocanité du Sahara. Le Maroc, à mon avis, devrait appliquer le plan d’autonomie sans attendre le feu vert de la communauté internationale. Les provinces du Sud sont aujourd’hui institutionnellement matures, et la population l’est tout autant.

Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle dans les camps de Tindouf?
La situation est catastrophique, pour au moins trois raisons: d’abord, la longue durée du conflit. Cela fait 48 ans que les gens sont internés dans de véritables camps de concentration. Ce sont des gens qui ne sont pas recensés par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), qui n’ont pas le statut de réfugiés, qui ne peuvent pas quitter les lieux et sont interdits de travailler en Algérie.

C’est pour cela que le qualificatif en vigueur est celui de séquestrés. Je ne comprends pas pourquoi l’Algérie empêche le HCR de les recenser, pour avoir des statistiques objectives sur ces personnes, connaître leur nombre et savoir qui est qui? Le discours historique de Sa Majesté le Roi ouvre de nouvelles perspectives pour notre façade maritime atlantique. Pour libérer les séquestrés de Tindouf, encore faut-il qu’ils soient recensés. Le plan d’autonomie marocain reste l’unique solution pour une prospérité pérenne dans la région.

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