Mohamed Berrada : "aucun risque à craindre pour l'économie nationale"

MOHAMED BERRADA, universitaire, ancien ministre des Finances

Comment avez-vous réagi à la libéralisation du dirham?
Je crois que les gens n’ont pas bien compris cette libéralisation. Certains parlent d’une dévaluation du dirham, d’autres d’un changement total du régime de change. Or, il s’agit d’une opération normale qui a été décidée, il y a quelque temps déjà, mais qui a été retardée à cause probablement d’un processus qui n’était pas encore parfaitement installé. Malgré les craintes exprimées par certains milieux d’affaires, je pense que l’entrée en vigueur de cette flexibilisation du dirham s’est passée très normalement.

Est-elle, selon vous, une véritable libéralisation?
Non, c’est plutôt une migration vers un régime de change flexible, qui remplace l’ancien régime de change fixe. Le dirham marocain fluctue désormais dans une fourchette contrôlée par l’Etat, à hauteur de 5% (2,5% à la hausse et 2,5% à la baisse). Cette fourchette me paraît très maîtrisée. Cette libéralisation partielle du dirham est une étape progressive qui peut aboutir à une libéralisation totale.

Pensez-vous que dans un avenir proche, le dirham sera totalement libre?
Je ne le pense pas. Il ne faut pas oublier que la balance commerciale est structurellement déficitaire et que nos recettes en devises se fondent principalement sur les transferts des Marocains résidant à l’étranger et le tourisme. Une telle situation économique ne permet pas de basculer vers un régime de change totalement libre. Cela risque de provoquer un choc économique avec comme conséquences directes, une inflation galopante, une hausse vertigineuse des prix et des disparités sociales encore plus fortes.

Cette opération est-elle bénéfique à l’économie marocaine?
L’adoption d’un système de change plus ou moins flexible ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 1993, ce système, qui permettait à la monnaie nationale de fluctuer dans une fourchette de 0,6%, s’appliquait aux opérations courantes, c’est-à-dire aux importations et aux exportations.
En revanche, il ne s’appliquait pas encore aux opérations sur le capital, c’est-à-dire tout ce qui est investissement, prise de participation ou transfert de capitaux. Je pense que c’est une bonne chose pour l’économie nationale dans le sens où le dirham marocain obéit, dorénavant, à la loi de l’offre et de la demande. L’un des bienfaits de cette flexibilité réside dans le fait que celle-ci va booster les exportations marocaines.

Y a-t-il un risque majeur pour l’économie en cas de tension sur le dirham?
A mon avis, aucun risque. Car cette flexibilisation est contrôlée par la banque centrale. En plus, la fourchette de 5% est considérée comme une faible plage de fluctuation de la monnaie nationale. La crainte serait justifiée si nous avions basculé vers un régime de change totalement libre. Or, ce n’est pas encore le cas.

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