
“La Biennale cultive la réflexion et génère des idées”
Interview. Du 24 février au 8 mai 2016, aura lieu la 6ème édition de la Marrakech Biennale. Une grand-messe de l’art contemporain, qui verra la participation d’artistes de quelques 40 pays. Mohamed Amine Kabbaj, président de la Biennale, nous en explique les enjeux pour le pays et pour l’art au Maroc.
Maroc Hebdo: Un mot sur la thématique de cette année?
Mohamed Amine Kabbaj: Au début, nous avions opté pour la thématique “Trace”, avant de partir sur un autre titre, qui est “Quoi de neuf là?”. Disons que les deux ont la même signification, mais on voudrait questionner le passé et le futur tout en essayant de définir la place du présent. On se demande ce que nous sommes dans le contexte actuel. Nous nous sommes rendus compte que “Trace” a été utilisé 2 ou 3 fois auparavant. C’est pour cela que nous avons rectifié le tir. Quoi qu’il en soit, le thème est juste un moyen d’inviter les gens à réfléchir. Chacun apporte la réponse qu’il pense être la bonne.
L’événement est-il toujours axé sur l’art contemporain?
Mohamed Amine Kabbaj: Oui, toujours. L’art contemporain sous toutes ses formes: la peinture, la sculpture, les arts visuels, l’art vidéo, le cinéma… La Biennale n’a pas changé de forme.
Quel est l’objectif de cet événement?
Mohamed Amine Kabbaj: Les biennales ont été pensées pour créer des dialogues d’abord, j’allais dire entre les cultures, mais, déjà, le Maroc est un pays multiculturel. Nous sommes à la frontière de l’Afrique, de l’Orient et de l’Occident et nous avons subi toutes les influences. Aujourd’hui, la vraie question est de savoir comment la culture peut apporter des réponses face à tout ce qu’on voit dans le monde comme haine intolérance et conflits. C’est ça, le plus important. Il est aussi important de souligner que c’est un événement à but non-lucratif. Nous ne vendons rien. Aujourd’hui, l’art est divisé en deux plateformes. Une plateforme “intellectuelle”, que constituent les biennales; et une autre, commerciale, qui sont les foires. Les deux doivent exister. On ne peut enlever l’une ou l’autre. L’une travaille avec l’autre. Pour la première, c’est la réflexion; et pour la seconde, c’est la production et la vente.
Quelle est la place du Maroc dans la Biennale de Marrakech?
Mohamed Amine Kabbaj: Cet événement apporte beaucoup aux Marocains et au Maroc, et non pas seulement à l’art de notre pays. Il cultive la réflexion et génère des idées. Des artistes marocains et étrangers vont travailler ensemble sur le Maroc. C’est donc un vrai bouillonnement d’idées où les artistes vont essayer d’apporter des réponses. Les différents artistes sont, en effet, invités à participer aux débats et à réagir par rapport à ce qu’ils vont voir. C’est ça, le plus important.
Y aura-t-il des nouveautés cette année?
Mohamed Amine Kabbaj: Cette année, nous avons prévu la création d’une application Smartphone qui va permettre aux gens de déambuler sur toute la ville de Marrakech avec des informations au jour le jour. Cette application fournit également une plateforme de discussions autour de différents thèmes. Pour l’édition 2016, nous comptons aussi faire revivre la “Biennale TV”, qu’on avait lancée à la 4ème édition, mais qu’on n’a pas pu maintenir pendant la 5ème édition par manque de moyen. Cette année, nous avons réussi à avoir le financement nécessaire.
Selon quels critères les artistes sont-ils sélectionnés?
Mohamed Amine Kabbaj: Il y a deux types de sélection. La première est opérée par Reem Fadda, commissaire principale de cette 6ème édition et consiste à choisir un panel d’artistes qui sont dans le “In”. Le “Off”, lui, comprend les “project partners” (Institut français, Institut des Arts visuels de Marrakech…) ainsi que les projets parallèles qui sont proposés par les personne qui désirent participer à cette manifestation. Pour ces derniers, nous avons lancé un appel à projets. Nous avons reçu à peu près 100 propositions. Les “In” sont payés par le Biennale et les “off” sont payés par les participants. Nous les aidons à trouver un lieu où se produire.
Vous ciblez quel public?
Mohamed Amine Kabbaj: La Biennale est ouverte à tous les Marocains. L’accès y est gratuit. Elle est à but non-lucratif. Ce sont les sociétés, le gouvernement, le ministère de la culture et la municipalité de Marrakech qui nous aident et nous soutiennent. Nous ne gagnons pas d’argent par cet événement.
Est-ce que l’art peut être générateur d’argent?
Mohamed Amine Kabbaj: L’art peut être générateur de recherche et d’avancée technologique. D’ailleurs, l’année dernière, nous avons programmé des workshops dont l’un était animé par un Italien qui a ramené une imprimante 3D. Pendant 5 jours, des artisans et des étudiants de l’université Cadi Ayyad ont travaillé sur cette machine et sur ce qu’on peut en faire. Et on s’est posé la question de savoir si on peut parler, dans ce cas, d’art appliqué. On a conclu qu’il s’agit d’une recherche qui, au début, est de l’art et qui, après, devient une recherche technologique.
Quel bilan faites-vous des anciennes éditions de la Biennale et comment voyez-vous son évolution?
Mohamed Amine Kabbaj: Nous espérons avoir un financement plus conséquent pour la Biennale. Nous sommes conscients de l’importance du travail à faire auprès des institutionnels marocains, des sociétés financières et commerciales. Notre souhait est d’asseoir les fondements d’une société ou d’une compagnie qui puisse perdurer.
Pour le moment, je suis président de cet événement. Je vais probablement le rester pendant deux ou trois éditions et puis céder la place à quelqu’un d’autre. Ce qu’on veut, c’est poser les bases d’une grosse organisation.