Mohamed Abouelouakar, l'une des plus grandes figures de la peinture arabe et d'afrique nous a quittés

L’artiste de l’intemporalité

Une nom incontournable de la peinture, mais aussi du cinéma arabe et africain.

Grande figure artistique non seulement au Maroc, mais aussi dans tout le monde arabe et en Afrique, Mohamed Abouelouakar n’est plus. Il a rendu l’âme, le jeudi 1er septembre 2022, à Elektrostal, en Russie, où il avait l’habitude de séjourner pour y avoir sa famille. «C’est une immense perte pour l’art et pas seulement au Maroc, mais dans le monde», témoigne son ami proche, le grand journaliste marocain Mohamed Jibril, auteur de plusieurs livres sur Abouelouakar. Né en 1946 à Marrakech, Mohamed Abouelouakar s’est consacré à la peinture après une riche carrière au cinéma. L’artiste a poursuivi, de 1966 à 1973, des études supérieures à l’Institut national de la cinématographie de Moscou. Cette époque fut pour Abouelouakar, celle d’une initiation aux oeuvres des grands maîtres de la peinture tant russe qu’occidentale. Hadda, le long-métrage qu’il a réalisé en 1984, lui a valu le grand prix du 2e festival national du film marocain. Abouelouakar est aussi photographe d’art. Tout comme sa peinture est hantée par le cinéma, ses films et ses créations photographiques sont habités par la peinture. En 1990, il compose un ensemble de photos intitulé Contes soufis, véritable scénographie de tableaux figurant une quête de la grâce intérieure.

Création picturale
Son expérience du 7e art a beaucoup marqué ses oeuvres peintes, dans lesquelles les compositions sont savamment orchestrées, mises en scène, théâtralisées. Dans les années 1980, où l’artiste a commencé à travailler et à vivre par alternance entre le Maroc et la Russie, sont apparus et, depuis les années 1990, ont gagné en ampleur, les thèmes et les formes de sa propre mythologie qui allaient devenir la marque singulière de sa création picturale.

«La voie était prise d’une recherche esthétique qui s’approfondit en se renouvelant, comme en témoigne toujours sa production durant les dernières années. C’est ainsi qu’à côté de grands formats devenus encore plus amples, celle-ci s’est enrichie d’une grande variété de toiles de diverses dimensions et de plusieurs séries de miniatures sur papier, et surtout sur écorce de bouleau, rencontre vivifiante et originale entre les traditions marocaines et celles des miniatures de l’Orient arabo-persan et des icônes russes», indique une biographie qui lui est consacrée à la galerie d’art L’Atelier 21. Les tableaux de Mohamed Abouelouakar sont influencés par le lyrisme russe et la miniature byzantine. Nombre de ses anciens tableaux se caractérisent par des couleurs vives et un foisonnement de figures qui ne laissent pas une parcelle de la toile sans traitement.

On retrouve, dans ses oeuvres, un corpus de figures, de symboles et une atmosphère empruntés au répertoire occidental, mais toujours réinterprétés selon le prisme et les références de sa propre culture. Une présence se dégage des oeuvres d’Abouelouakar, elles interpellent par leur réalisme féroce et leur foisonnement de détails. Nul ne peut rester indifférent devant un tableau de l’artiste. Le propos de l’artiste est celui de l’intemporalité, qui est au coeur de la condition et du destin de l’Homme face à soi, au monde et à l’Etre, à la fois changeant et invariant. D’où la fréquence des allégories, des scènes d’une mythologie réinventée des signes et symboles répétitifs, mais qui ne se résument pas à une signification linéaire et procèdent le plus souvent d’une distanciation et d’une ironie portées par un jeu démultiplié de nuances.

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