"JE ME SUIS SENTI TRÈS TRISTE. JE NE M'Y ATTENDAIS PAS DU TOUT"

Entretien avec Francesco Camillo Giorgino, alias Millo

Le street artist italien Millo, reconnu mondialement pour ses gigantesques, poétiques et épiques fresques murales, se confie à Maroc Hebdo et partage avec nous sa déception et son indignation après la disparition de sa magnifique oeuvre «Manipuler avec soin», réalisée il y a peine un an au quartier Derb Omar à Casablanca.

Les Casablancais ont été surpris en août 2020 de voir votre fresque murale «Manipuler avec soin», réalisée il y a à peine un an, effacée à cause du ravalement de la façade d’un immeuble. Quel a été votre sentiment à cet instant précis?
Lorsque j’ai reçu l’image d’un fan représentant le début du ravalement de la façade, je ne peux le nier, je me suis senti très triste. De plus, je ne m’y attendais pas du tout, l’oeuvre étant neuve et en bon état.

Les Marocains se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour dénoncer cet acte, en lançant notamment le hashtag #millo_ wall_challenge. Cette mobilisation vous a-t-elle réconforté un peu?
La réaction des gens a été incroyable. Je me suis senti respecté et aimé et cela a effectivement, littéralement, tout changé pour moi. Mieux encore, cette mobilisation démontre cette attention particulière que les gens portent à l’art urbain, leur attachement et leur respect envers cette forme d’art.

Ce n’est pas la première fois que des fresques murales réalisées dans le cadre du festival «Sbagha Bagha» sont effacées. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Vous savez, quand on travaille dans le «Street art», on intègre ce risque et on peut s’attendre à ce genre de mésaventures. Toutefois et malheureusement, j’ai remarqué qu’au Maroc, voir disparaître ce type d’oeuvres est plus courant que dans d’autres pays.

Les gestionnaires de la ville de Casablanca doivent comprendre qu’il s’agit d’une ressource et non seulement d’un investissement à court terme. Casablanca est une très belle ville et avoir autant de «Street art» ne peut que contribuer à attirer davantage de touristes. Ce type d’art permet également d’embellir certaines zones qui sont délaissées urbanistiquement parlant. Et ça, je pense que les Marocains le savent déjà.

Avez-vous déjà vécu une telle mésaventure sachant que vous réalisez plusieurs oeuvres partout dans le monde?
Oui, ça m’est déjà arrivé, seulement 2 ou 3 fois. Mais la différence avec cet incident, c’est que je savais qu’il y avait ce risque depuis le début.

Dans quelle mesure la culture peut-elle contribuer au développement et à l’épanouissement d’une société et d’un pays?
La création culturelle est un véritable aimant, à partir duquel une série infinie de possibilités différentes pourraient être développées. Prenons, par exemple, le cas de la création d’un festival de musique, combien de personnes seraient impliquées? Combien d’emplois seraient créés et surtout combien de personnes en feraient l’expérience, s’en souviendraient et attendraient que cela se reproduise? Ce qui est sûr, c’est que les événements culturels boostent le tourisme, créent des emplois et stimulent la capacité intellectuelle des gens. Éducation et culture vont de pair et permettent aux gens de s’épanouir.

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