Le métier de Roi

Moualy El Hassan multiplie les actes de présence tant au Maroc qu'à l'international. Par son statut, il a une fonction de représentation, de suppléance du Roi.

U n profil, une personnalité, une image: tel pourrait être le triptyque pouvant aider à appréhender les multiples facettes de Smyet Sidi, le Prince héritier Moulay El Hassan. Il a soufflé sa seizième bougie, le 8 mai 2019. Il occupe un rang lié à son statut, bien sûr, mais il y a plus aujourd'hui. Il est présent, de plus en plus, s'investissant dans des activités officielles ou non. Fils de Roi, il se prépare à assumer la charge qui lui reviendra. Et il le fait avec beaucoup d'application pour un exercer le «job».

Une éducation classique
Sur ses traits psychologiques profonds, l'on sait pour l'heure peu de chose. Ce que l'on peut avancer, c'est qu'il a intériorisé depuis sa plus tendre enfance qu'il était comme tous ses autres camarades de classe, mais qu'en même temps reposait sur lui le poids d'un destin dynastique. Il pratique des sports -en premier le football et même le basket; pas seulement, puisqu'il aime également la natation, l'équitation ou le ski. Polyglotte -il parle l'arabe et le français mais aussi l'anglais et l'espagnol. Cela donne une ouverture sur des cultures et participe d'un ferme souci d'accès aux valeurs universelles. Au Collège royal, le programme d'études est formaté pour coupler une éducation classique à des domaines religieux, culturels et artistiques. Cette institution créée en 1942 par Mohammed V et qui portait alors la dénomination de Collège impérial. A côté de ce cursus au Collège royal, Moulay El Hassan bénéficie d'un environnement familial, une sorte d'«école parallèle» où le maître d'école n'est autre que son père, S.M. Mohammed VI. Le Souverain était passé par ce même cheminement avec feu Hassan II et dans d'autres circonstances. Il savait mieux que personne quel cadre éducatif il fallait donner à son fils, Moulay El Hassan, et comment aider sa personnalité à être à même d'avoir les atouts et les qualités indispensables à ses futures responsabilités royales. Entre le père et le fils, nul doute qu'une relation particulière s'est construite au fil des ans, faite d'échanges, de discussions, d'éclairages, de regards aussi -une complicité, un code familial où parfois les non-dits étaient explicites.

Les cheminements de la diplomatie
A ce titre, Moulay El Hassan évolue dans les sphères du pouvoir. A 8 ans, le voilà qui fait en 2011 son premier discours à l'Académie militaire de Meknès. Depuis, il a multiplié les actes de présence tant au Maroc qu'à l'international. Par son statut, il a une fonction de représentation, de suppléance du Roi. Il est ainsi et de plus en plus -sur le devant de la scène, présidant des manifestations nationales, recevant le Prince Harry d'Angleterre, présent aux obsèques du Comte de Paris ou encore au côté de S.M. Mohammed VI au centenaire de l'armistice, à Paris, le 11 novembre 2018.

Son inauguration du port Tanger Med II, vendredi 28 juin 2019, constitue à coup sûr un événement de taille. Il observe, il enregistre, il mesure les bouleversements continus d'un ancien «ordre» international qui accuse plutôt le désordre, la montée des protectionnismes et des populismes. Il se pénètre ainsi des cheminements de la diplomatie, de ses avancées et de ses contraintes. Une capitalisation nourrie par la proximité avec son père et qui lui permet d'être au premier rang, studieux et appliqué, de l'école de la vie. Et du monde. Les défis sont ceux du XXIème siècle et la communauté internationale peine à les maîtriser. Le Maroc doit y conforter sa place et son influence.

Au dedans, les problèmes ne sont pas moins complexes. Moulay El Hassan fait partie de la nouvelle génération, celle qui sera l'avenir du Maroc dans les prochaines décennies. Elle n'aura plus des souvenirs de la culture et de la politique du précédent règne et qui aura été marqué par les étapes de la laborieuse construction démocratique initiée par S.M. Mohammed VI.

Des conseils éclairés
L'économie de la connaissance et du savoir va s'affirmer de plus en plus; les formes de civisme vont continuer à évoluer et à être supplantées par les nouveaux champs des réseaux sociaux et du monde digital. Au-delà d'un nouveau modèle de développement à l'ordre du jour -et qui sera un débat passablement daté et décalé dans une décennie- n'est-ce pas la problématique d'un «autre» projet de société que Moulay El Hassan devra porter?

Prince héritier, pourrait-il pour autant ignorer ou délaisser les habits de la tradition, celle du Makhzen immémoriel tellement prégnant dans les coutumes avec ses pesanteurs, et les rapports au sein de la société politique? Le legs est historique, culturel, comportemental. Il n'exclut pas l'accès, à grandes enjambées si nécessaire, à la modernité, tant il est vrai que la légitimité intrinsèque est aussi complétée par la légitimité constitutionnelle installant désormais la monarchie au centre du socle identitaire, politique et national.

Moulay El Hassan a réussi en 2019 à jouir d'une visibilité propre, porteuse de sens et d'espoir. Dans la longue chaîne de succession dynastique, il tient sa place, son rang et il l'optimise même sous le regard attentif -et sourcilleux à l’occasion? -et les conseils éclairés de son père, S.M. Mohammed VI. Comment vit-il cette situation? Quel est son ressenti personnel et psychologique? Ce qu'il sait sans doute, avec retenue, c'est qu'il a un grand challenge à gagner, il lui faut s'y préparer. Un destin personnel ou national n'est pas un long fleuve tranquille...

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