Analyse. Pour la première fois, une grande institution financière attire l’attention sur les chocs externes et internes qui peuvent déstabiliser les équilibres économiques du Maroc.
Prix du pétrole au plus bas, bonne récolte céréalière…, 2015 sera plus favorable pour l’économie marocaine. C’est l’appréciation des économistes du Groupe Crédit Agricole France. Une note positive qui ressemble à celle formulée par les analystes du Fonds monétaire international (FMI). Mais avec une nuance capitale. Pour la première fois, cette grande institution financière attire l’attention sur les chocs externes et internes qui peuvent déstabiliser ces équilibres économiques. «À moins d’un nouveau choc externe ou interne (politique ou social), les perspectives pour 2015 s’améliorent», estiment les économistes du Crédit agricole dans une note de la série “Perspectives Emergents”, publiée le 27 février 2015.
Les analystes font allusion aux risques de la hausse du prix du pétrole et ses répercussions sur les finances publiques. Ils mettent en alerte contre une probable croissance molle de l’Europe et son impact sur la demande étrangère adressée au Maroc. Pour plusieurs secteurs d’activités économiques, les demandes qui viennent de l’Europe sont vitales pour leur survie.
Revendications sociales
«Mais, attention à la situation sociale fragile en cas de rebond des prix…», mettent en garde les analystes du Crédit Agricole France. C’est le choc interne qui peut naître de la hausse du prix du pétrole et ses retombées sur les prix à la consommation. Les perspectives de relance économique sont bonnes tant que le dialogue social se maintient. De nouvelles revendications sociales peuvent contraindre le gouvernement à emprunter et, partant, à faire de nouveaux dérapages financiers tant évités durant ceux deux dernières années.
En 2013, le Maroc ne perd pas son rating car la gestion économique était plus prudente après la signature d’un accord avec le FMI (mise en place d’une ligne de liquidité de précaution contre des réformes fiscales et monétaires). Le gouvernement ayant réduit ses investissements, la masse salariale progressa à peine et une réforme vigoureuse des subventions publiques était en route. En 2014, la dette publique était stabilisée à 76% du PIB et le déficit budgétaire ramené à près de 5% du PIB.
Si tout donc va comme prévu, l’année 2015 sera meilleure. Elle se traduira sur le pouvoir d’achat des ménages, assurent les analystes du Crédit Agricole France.
Manque de visibilité
Sur le terrain, le pouvoir d’achat des ménages a subi un sérieux coup, loin de toute surenchère de chiffres. Le célèbre quotidien britannique The Guardian en a fait, tout récemment, le constat. Dans un article qui analyse la situation du pays, le rédacteur affirme que le gouvernement Benklirane a beau brandir le slogan de l’exception marocaine, notamment dans le forum économique de Davos, mais cela ne cache pas le mécontentement de la population. Le quotidien ajoute qu’au moment où le gouvernement expose son succès, 30% de la jeunesse marocaine est au chômage alors que la route vers la lutte contre la corruption paraît encore plus longue.
La situation économique est floue. Les opérateurs économiques manquent de visibilité. L’investissement privé stagne. Des secteurs comme le BTP, considérés comme moteurs de la croissance, sont en berne. Et, face au chômage qui grimpe, la situation de l’emploi est inquiétante. En 2014, la création d’emplois a été la plus faible depuis une dizaine d’années. et, au vu du rythme de croissance attendu, il ne faut pas s’attendre à un miracle en 2015.