Le procureur de la Cour Pénale International (CPI) Karim Khan vient de prendre une décision qui, dans le contexte guerrier d’un monde upside-down, a eu l’effet à la fois d’un couperet de guillotine et d’une déflagration de bombe. Sur les horreurs subies à Gaza par les populations civiles, la CPI a retenu les qualificatifs de crimes de guerre et de crime contre l’humanité. Son procureur général a requis l’émission d’un mandat d’arrêt international contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Son ministre de la défense Yoav Gallant, Yahia Sinouar, chef du Hamas à Gaza, Ismaël Haniyeh, responsable politique du Hamas et Mohamed Deif, chef de la brigade islamiste Al Quassam font tous l’objet d’un mandat d’arrêt international. Je vous laisse deviner qui sera arrêté et livré à la CPI par «les autorités internationales» et qui ne le sera pas.
L’effet bombe vient en premier du parallélisme de l’image qui réunit pour la première fois, sous la même charge de crime de guerre et de crime contre l’humanité, les portraits adjacents d’un responsable de l’Etat d’Israël, en l’occurrence Netanyahou et de Yahia Sinouar du Hamas, compères d’hier et ennemis d’aujourd’hui.
L’effet couperet vient de la perception d’équivalence entre un Etat d’Israël qui se veut démocratique et une organisation Hamas, labellisée terroriste par Israël et ses alliées mais perçue comme mouvement de libération par le reste du monde. C’est la première fois qu’un responsable israélien est nommément mis en cause à la CPI pour des crimes d’homicides intentionnels, d’affamation de population civile entrainant la mort comme arme de guerre, d’extermination et de meurtres de civils aux fins des objectifs suivants :
1) éliminer le Hamas,
2) accroitre la pression sur le Hamas pour obtenir le retour des otages,
3) punir collectivement la population gazaouie perçue comme une menace pour Israël.
Avant toute délibération, Karim Khan a reçu des menaces de ne pas s’en prendre à Israël. Dans un X @karimkhanQC, le procureur révèle « qu’un haut dirigeant lui a dit que la CPI est faite pour l’Afrique et pour les voyous comme Poutine et non pour l’Occident et ses alliées », cela n’a pas empêché ce procureur de préciser : « nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivent dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis ». L’accusation contre le Hamas quant à elle, comprend « l’extermination », « le viol et d’autres formes de violence sexuelles » et la « prise d’otage » et la « torture » comme crimes de guerre. Il va de soi que pour Netanyahou la décision de la CPI, qu’Israël ne reconnaît pas, est « scandaleuse » et « dégoutante ».
Israël ne pliera pas devant une CPI. Les décisions de cette cour n’affecteront en rien ses agissements guerriers. Il va de soi que la réaction viscérale des États Unis est de rejeter la décision de la CPI et de soutenir Israël et Netanyahou au-delà de toute ligne rouge. Il va de soi que la France, dans une approche grise mi-figue, mi-raisin soutient la CPI et la prévalence du droit, rejette toute équivalence entre un Israël perçu démocratique et un Hamas étiqueté terroriste mais continue ses livraisons d’armes à l’armée israélienne. Pour la boule de cristal, Il va de soi que les 9 juges qui décideront de suivre ou non l’avis d’un procureur pakistanais et de plus musulman subiront la pression appropriée pour faire sortir Netanyahou de la mélasse et y laisser patauger les pontes du Hamas.