Affaire Marocgate au Parlement européen: Un évident deux poids deux mesures


CaptionAndrea Cozzolino, président européen de la commission parlementaire Maroc-UE


Comment expliquer la mansuétude dont semble très évidemment jouir le régime algérien de la part des institutions européennes?

Lahcen Haddad est formel dans l’interview qu’il nous accorde: il y aurait désormais loin d’une “amitié” de Pier Antonio Panzeri pour le Maroc. “Depuis mon élection à la présidence de la commission [parlementaire mixte Maroc-Union européenne (UE)], il ne cesse de nous mettre les bâtons dans les roues,” affirme le député PI (Parti de l’Istiqlal), tout en l’accusant d’être “derrière pas mal de rapports faits par ses proches qui critiquent le Maroc”. M. Haddad sous-entend même un tropisme algérien de plus en plus prononcé de la part du concerné et encore plus de son successeur en tant que président européen de la commission parlementaire Maroc-UE, Andrea Cozzolino, qu’il cite également et dont il a dit que de son côté “il a préféré partir en Algérie” et qu’“il boude une commission parlementaire qui fonctionne pour courir après une commission parlementaire qui n’est même pas mise sur les rails”. Et renseignement pris, il s’avère que non seulement M. Cozzolino s’est bien rendu au mois de septembre 2022 à Alger pour un y être notamment reçu par le président du conseil de la nation algérien, Salah Goudjil, mais qu’en plus à cette occasion il a ouvertement pris fait et cause, en des termes très typiques du discours officiel algérien, en faveur du séparatisme sahraoui, l’assimilant notamment à la cause palestinienne. 

Ce qui est intervenu moins d’une année après avoir dénoncé la décision de l’Algérie de mettre fin au gazoduc Maghreb-Europe par lequel la voisine de l’Est alimentait l’Espagne en gaz en passant par le Maroc. Dans le cas de M. Cozzolino, il ne serait, à l’évidence, pas exagéré de dire qu’il a “tourné casaque”, pour reprendre l’expression de l’un de nos interlocuteurs. Bien que comparaison ne soit pas nécessairement toujours raison, n’est-il pas aussi permis de soupçonner, sans forcément tomber dans le complotisme, que M. Panzeri ait lui aussi pu virer sa cuti et que les prétendues révélations qu’il a à faire sur la corruption de plusieurs eurodéputés par le Maroc ne constituent que l’arbre qui cache la forêt d’un scandale autrement véritable dans lequel l’Algérie serait, avec la complicité directe de parties européennes, impliquée? Venant du Maroc, on dira bien entendu que l’objectif est de noyer le poisson et qu’il est facile de sortir le nom de l’Algérie à chaque fois que les autorités marocaines se retrouvent en plein ennuis. 

Proximité géographique 

A ce titre, on ne cherchera bien évidemment pas à présenter ces autorités sous un jour idyllique, sachant que c’est un secret de polichinelle qu’elles ont effectivement recours à ce qu’il est au fur et à mesure devenu commun d’appeler la “diplomatie de la Mamounia”, en référence au fameux hôtel de la ville de Marrakech où se pressent de nombreux de ces hommes et femmes politiques étrangers que l’on aime à présenter comme “amis du Maroc”, selon l’autre expression consacrée. On dira simplement, si l’on souhaite les défendre, que nul n’y a pas recours, y compris en Europe même, peut-être seulement par des moyens moins “pittoresques”. 

Mais revenons-en à l’Algérie: pourquoi continuer à bénéficier d’une mansuétude d’autant plus évidente que le traitement qui est fait à la voisine de l’Est au sein des institutions européennes est sans commune mesure avec celui face auquel se retrouve le Maroc? Est-ce que, concrètement, le journaliste Ihsane El Kadi, aux arrêts depuis plus d’un mois déjà dans les prisons algériennes, vaut-il moins que ses confrères marocains dont les eurodéputés se prétendent les défenseurs? Certains en feront certainement une analyse géopolitique et y verront une prise en compte du gaz algérien, inévitablement appelé, proximité géographique oblige, à remplacer le gaz russe dont se privent désormais une partie des pays de l’UE en représailles de l’invasion en cours depuis le 24 février 2022 de l’Ukraine par la Russie. 

Large machination

 Même logique qui fait d’ailleurs que l’Italie pourrait, avec d’autant plus l’arrivée aux commandes de la pro-séparatiste Giorgia Meloni à la présidence du conseil, devenir un allié proche de l’Algérie en ce qui s’agit du soutien à la séparation du Sahara marocain -il serait également intéressant de souligner, au même égard, le fait qu’aussi bien M. Panzieri que M. Cozzolino soient tous deux de nationalité italienne. D’autres évoquent plutôt une influence de l’État profond français, vraisemblablement fâché vis-à-vis du Maroc en raison de ses nouvelles ambitions géopolitiques africaines comme l’avait déjà soulevé en son temps, en octobre 2014, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, et ce serait d’ailleurs les services hexagonaux qui auraient les premiers lancé leurs homologues européens sur les traces de M. Panzieri, à en croire en tout cas le journaliste belge Jean-Pierre Stroobants (qui s’est exprimé à ce propos ce 25 janvier 2023 sur la chaîne suisse “RTS”). 

En tout cas, un certain deux poids deux mesures semble, quelle qu’en soit l’explication, de mise au moins au détriment du Maroc, éventuellement au profit de l’Algérie. Et le scénario le pire est que, comme le dit implicitement M. Haddad, il soit même question d’une large machination dans laquelle M. Panzieri ne constituerait qu’un élément parmi d’autres. En attendant que les véritables tenants de l’affaire du “Marocgate” soit plus connus, on peut juste espérer que la règle d’objectivité sera respectée et que l’on ne se risquera pas à faire un mauvais procès à tout un pays sur la simple base d’une réputation qui reste, quoi qu’il en soit, à étayer. Et que si les Européens souhaitent vraiment resserrer les règles régimentant le lobbyisme au sein de leurs institutions, qu’ils fassent attention à ne pas tomber dans le piège d’une cinquième colonne dont ils ont eux aussi également le droit de se poser la question par rapport à son existence

 

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