Le sport-roi est en train de réussir ce que 60 ans de politique politicienne ont voulu détruire.
Il y a bien évidemment, d’un côté, les tourments de l’histoire, et les désaccords qui, à ce jour, continuent d’alimenter la chronique politique. Et de l’autre, et c’est sans doute le plus important, la lame de fond des sentiments des peuples, d’un bout à l’autre de l’Afrique du Nord-Ouest similaires, et ce dans une joyeuse unité dont on ne soupçonnait presque plus l’existence. Car ce que le football est actuellement en train de réussir alors que se déroule, sur les terres égyptiennes, la 32ème édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), c’est le rêve des Allal El Fassi, Ferhat Abbas ou encore Habib Bourguiba, entraperçu un jour de printemps 1958 à Tanger quand certains des leaders du Maghreb se réunirent pour une conférence visant rien de moins que l’intégration de la région mais qui plus de soixante ans plus tard désormais, hélas, ne s’est pas encore matérialisé.
Ce 14 juillet 2019 au soir, en flânant de par les rues du Royaume, on se serait cru à Alger ou Annaba: partout, des dizaines de milliers de Marocains, spontanément, sans que personne le leur ait commandé, fêtant le succès dans les dernières secondes de l’équipe algérienne en demi-finale de la CAN face au Nigéria. Il y avait sans doute, dans la clameur qui s’est élevée depuis les cafés dès lors que l’Algérien Riyad Mahrez est venu, d’un sublime coup franc, tromper la vigilance du gardien nigérian Daniel Akpeyi, l’expression d’une déception de ne pas voir la sélection nationale arriver au même stade: des deux côtés de l’oued Kiss, et ce avant même le début de la CAN, beaucoup espéraient d’ailleurs voir se réaliser, ce 19 juillet, le rêve d’un Maroc-Algérie en finale.
Sentiment d’identification
Mais en même temps, on ne peut nier l’existence d’un sentiment d’identification aux Fennecs algériens et au peuple derrière eux, finalement pas si différent de nous. Mahrez n’est-il justement pas un cas éloquent? Algérien bien évidemment, sa mère est d’origine marocaine. A quelques siècles près, il aurait même pu être citoyen chérifien de plein droit, puisque son père est d’une petite ville de la wilaya de Tlemcen qui s’appelle Beni Snous, à à peine 30km à vol d’oiseau d’Oujda.
Cette double ascendance maroco-algérienne, Ismaël Bennacer, qui fut d’ailleurs à l’origine du coup franc victorieux de Mahrez, peut lui aussi la revendiquer. Si le désormais ex-directeur technique national, Nasser Larguet, avait davantage insisté auprès de lui, c’est bel et bien la tunique des Lions de l’Atlas qu’il revêtirait aujourd’hui, comme il l’a lui-même révélé dans une émission à la télévision française: son père est originaire de Taza, d’où il a émigré dans le Sud de la France dans les années 1990, dans la ville d’Arles.
De notre côté, c’est notre «Capitano», Medhi Benatia, qui peut clamer et une identité marocaine et une autre algérienne, dans la mesure où sa mère est ressortissante de la voisine de l’Est. Mais au-delà de cet aspect purement génétique, en somme, il apparaît à tous que l’entreprise menée par la junte algérienne pour séparer les peuples, d’abord matériellement en procédant depuis septembre 1994 à la fermeture des frontières communes, et avant cela en expulsant manu militari plus de 350.000 Marocains en décembre 1975 en réaction à la Marche verte -la fameuse Marche noire-, a enregistré un cinglant échec. Comme ses principaux représentants, que le peuple algérien est en train d’évincer les uns après les autres depuis le début de son mouvement de protestation en février 2018, son discours de la discorde est sans doute voué aux poubelles de l'histoire...