La suspension de l’accord de libre-échange entre le Maroc et la Tunisie, qui profite largement à l’économie tunisienne, pourrait être, selon les analystes, l’arme économique fatale que vont employer les autorités marocaines en cas d’escalade diplomatique entre les deux pays.
La crise politique profonde entre le Maroc et la Tunisie, provoquée par l’accueil regrettable réservé par le président tunisien, Kaïs Saïed, au chef du Polisario, Brahim Ghali, à l’occasion du sommet Afrique-Japon, Ticad, qui s’est tenu à Tunis, le 29 août 2022, pourrait être porteuse de conséquences néfastes sur les relations économiques entre les deux pays. Rabat et Tunis sont liées par un accord de libre-échange signé en 1999 leur permettant d’importer et exporter certaines marchandises avec exonération totale ou partielle de droits de douane.
Depuis quelques années déjà, l’accord commercial n’a pas pu atteindre les objectifs escomptés. Le gouvernement marocain avait manifesté en janvier 2022 son intention de réviser cet accord avec des changements prévus sur la liste des produits autorisés à bénéficier d’exonérations douanières. Il faut dire que la balance commerciale entre les deux pays penche clairement en faveur de la Tunisie, dont le volume d’export s’élève, selon le dernier bilan de l’Office des changes, à quelque 2,3 milliards de dirhams en 2021 contre seulement 1,3 milliard de dirhams pour les exportations marocaines. Un faible niveau d’échanges qui atteste de l’échec de cet accord à atteindre ses objectifs.
Appel au boycott
D’où les appels multipliés dans les milieux des affaires marocains pour suspendre l’accord en raison de sa faible consistance économique. Beaucoup d’analystes évoquent la possibilité de cette suspension par les autorités marocaines pour répondre aux gestes inamicaux du président tunisien envers le Maroc. Les exportations tunisiennes vers le Maroc sont constituées essentiellement de fruits, suivis des équipements électriques et électroniques, ainsi que des produits scolaires. Dans le lot des fruits, on retrouve en effet les dattes tunisiennes. Selon le Groupement interprofessionnel tunisien des dattes, le Maroc est de loin la principale destination de ce produit avec plus de 20.700 tonnes.
C’est par l’investissement que le Maroc est fortement lié à la Tunisie sur le plan économique. Attijariwafa Bank, filiale de la holding Al Mada, ex-SNI, détient en Tunisie une forte représentation bancaire considérée comme l’une des plus importantes sur le marché tunisien. Des appels au retrait du groupe bancaire marocain ne cessent de se multiplier sur les réseaux sociaux, mais aucune réaction de la part de la direction du groupe. Sur le plan associatif, la Fédération marocaine pour la protection des consommateurs a appelé au boycott de tous les produits tunisiens qui se vendent sur le marché marocain, outre sa décision de geler toute forme d’activité et de coopération avec les institutions tunisiennes de protection des consommateurs.
Cet appel au boycott des produits tunisiens trouve un large écho auprès des Marocains, qui interagissent d’une façon positive avec cette crise tout en exprimant leur fraternité avec le peuple tunisien.