Le Maroc, un sérieux concurrent de la France en Côte d'Ivoire

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Le parlement Français attire l’attention sur la présence marocaine en Afrique


Au moment où le Roi Mohammed  VI était en visite officielle  du 24 février au 3 mars  2017 en Côte d’Ivoire, une  délégation du Mouvement des entreprises  de France (Medef) et une mission  de prospection économique japonaise  étaient présentes dans la capitale économique  ivoirienne. Simple hasard du  calendrier? Surtout pas dans le monde  de la diplomatie économique. Mais qui  de la France, du Maroc ou du Japon,  s’accaparera la part du lion dans cette  course aux investissements? Une chose  est sûre, face à ces puissances économiques  mondiales, le Maroc a toutes ses  chances et même plus.

Impulsion politique
En témoigne le rapport livré, le 15 février  2017, par la commission des affaires  étrangères de l’Assemblée nationale  (Parlement français) en conclusion des  travaux d’une mission d’information  sur la Côte d’Ivoire (en date du 27 avril  2016), première économie de l’Union  économique et monétaire ouest-africaine  (UEMOA), menée au Maroc et en  Côte d’Ivoire.

Sans détours, les rédacteurs du rapport  soulignent: «Traditionnellement  premier investisseur étranger en Côte  d’Ivoire, la France s’est vue détrônée en  2015 par le Maroc. Ce pays, lui-même  un partenaire privilégié de la France,  tire parti de sa francophonie, de sa relative  avance de développement et d’un  discours sur la coopération sud-sud  qui trouve un réel écho pour étendre  son influence en Afrique de l’ouest et  centrale. Le développement du Maroc  doit retenir l’attention de la France à  plusieurs titres». La mission d’information  s’est rendue au Maroc pour mieux  apprécier cette dynamique africaine –et en particulier ivoirienne– du Royaume.  Elle a été frappée par le fait que «les  acteurs économiques et la société  civile marocaine font bloc derrière  cette stratégie impulsée par le Roi,  dont les premiers résultats suscitent  une certaine fierté».

De l’histoire politique, d’abord. Une  relation institutionnelle s’est nouée entre le Maroc et la Côte d’Ivoire au  lendemain des indépendances. Elle  était très cordiale entre Hassan II et  Houphouët-Boigny. Refroidies sous  la présidence de Laurent Gbagbo, les  relations bilatérales sont redevenues  très amicales avec l’arrivée au pouvoir  d’Alassane Ouattara.

La relation économique s’est nouée  à partir des années 2000. Le Maroc  s’était construit des champions nationaux  qui avaient atteint une certaine  maturité sur le marché national. La  stratégie du Maroc en Afrique repose  d’abord sur une impulsion politique  donnée au plus haut niveau, par le roi  Mohammed VI.

Elle est assise sur des relations personnelles  privilégiées avec certains présidents  africains: à cet égard, l’entente  entre Mohammed VI et Alassane Ouattara  est réputée particulièrement cordiale.  Le roi a pris le temps d’impulser  une dynamique: les tournées royales  en Côte d’Ivoire ont duré plusieurs  jours, quand les responsables français ne restent que quelques heures.  Des tournées royales ont été organisées  en 2013, 2014 et 2015 afin  de prolonger et d’amplifier ce mouvement;  elles se sont soldées par la  signature de plusieurs dizaines d’accords.  Des groupes d’impulsion économiques  ont par ailleurs été créés  afin d’identifier de nouveaux axes de  coopération porteurs.

La stratégie africaine du Maroc repose  par ailleurs sur le discours de la promotion  d’une coopération sud-sud, d’égal  à égal, sans rapports de forces. À cette  fin, le Royaume dispose de plusieurs  outils, dont la compagnie aérienne  Royal Air Maroc, qui ouvre sans cesse  de nouvelles lignes directes à destination  de l’Afrique subsaharienne, y  compris à présent vers l’Afrique de  l’est (Nairobi, Kigali, Addis Abeba),  qui était auparavant la chasse gardée  d’Ethiopian Airlines; Une place financière,  la Casablanca finance city; et  des capacités logistiques, notamment Tanger Med. Enfin, la francophonie est,  à l’évidence, un levier important de l’influence  marocaine en Afrique de l’ouest  et centrale, et, singulièrement, en Côte  d’Ivoire.

Côté finances, des groupes géants tels  qu’Attijariwafa Bank, la Banque Centrale  Populaire (BCP) et la BMCE Bank  of Africa, accompagnent les opérateurs  marocains sur ces marchés et ont  même réussi à concurrencer sérieusement  les banques françaises sur «leur  marché historique», en rachetant des  banques panafricaines ou des filiales  locales.

Coopération triangulaire
Quelle issue après ce constat? La commission  des affaires étrangères prône  une coopération économique triangulaire  Maroc-France-Côte d’Ivoire, sur  cette «zone de confort commune»  du moment que la convergence est  évidente sur le plan sécuritaire: le  Maroc a accompagné la France en  Libye, au Mali, en Centrafrique et participe  aux opérations de maintien de la  paix de l’ONU dans plusieurs pays du  continent. Le Club des chefs d’entreprises  France-Maroc, qui rassemble le  Medef International et la Confédération  générale des entreprises marocaines  (CGEM), a largement échangé sur cette  nouvelle stratégie.

Le patron d’Attijariwafa Bank, Mohamed  El Kettani, estimait ainsi que la France et  le Maroc pourraient «mieux combiner  les forces respectives des opérateurs  économiques des deux pays en termes  de recherche et développement, d’innovation,  de ressources humaines, de  coûts du risque dans l’objectif de bâtir  de nouveaux avantages compétitifs à  l’export et conquérir ensemble de nouveaux  marchés, à cet égard le co-investissement  des entreprises françaises et  marocaines est de plus en plus ciblé et  à double sens».

À l’heure actuelle, se désolent les parlementaires  français, ces réflexions  semblent pourtant avoir trouvé peu  d’applications pratiques. En Côte  d’Ivoire, la concurrence est plutôt de  mise entre les entreprises françaises et  marocaines, concluent-ils.

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