Plus d’usines, c’est également plus d’emplois et plus de revenus pour les ménages. Parce que la souveraineté est aussi profitable financièrement.
Cela a fait trois ans, ce mois de mars 2023, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré la pandémie de Covid-19. Comme la quasi-totalité des pays du monde, le Maroc a été concerné. Des milliers de personnes, si ce n’est plus, sont mortes. Des mois durant, l’économie a dû baisser le rideau. Il aura fallu deux ans pour que des secteurs entiers reprennent, et encore. Les faillites ont été et sont encore légion. L’inflation actuelle, pas seulement marocaine, c’est, au moins en partie, une conséquence directe de cette période. De Washington à Francfort, les banques centrales ont fait tourner la planche à billets. Les devises dont on se sert pour nos achats extérieurs ont, fatalement, perdu de leur valeur. En outre, les réseaux logistiques internationaux ont été rompus et ont rendu de nombreux produits moins disponibles.
Certains, comme ceux de l’énergie, font l’objet d’une demande accrue et n’aident en rien à arranger les choses. On s’est donc bien assuré que c’est dans un grand village planétaire que l’on vit tous. Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil ne suffit peut-être finalement pas, pour reprendre la célèbre image, à provoquer une tornade au Texas, mais un virus qui apparaît en Chine, en l’occurrence le SARS-CoV-2, peut, lui, bien souffler sur l’ensemble du globe. Cela a sans doute été un des principaux enseignements de cet épisode pandémique. Et il est à retenir. Au vu de ce que l’on sait, il ne devrait pas être le dernier. À l’avenir, un nouveau Covid est d’ores et déjà assuré d’advenir.
Et qui sait, cela pourrait être le cas avant même la fin de la présente décennie. Chose qui implique que l’on soit, à ce moment, prêts. Et cela est à mettre en relation avec l’autre principale conclusion qui reste de ces trentesix derniers mois; celle qui fait qu’en dépit de la mondialisation, la souveraineté nationale n’a jamais été aussi impérieuse. Dans un contexte où l’on se retrouve ouverts à tous les vents, il faut en même temps pouvoir survivre si l’on a à activer les volets. C’est mathématique.
Et c’est, heureusement aussi, quelque chose dont, au plus haut sommet de l’État, on a bien conscience. Le message que vient d’adresser ce 29 mars 2023 le roi Mohammed VI aux participants à la première journée nationale de l’industrie à Casablanca le formule de façon claire. Il explique, en gros, que la souveraineté, “industrielle, sanitaire et alimentaire”, ne doit plus être un luxe.
Même sans tenir compte de la Covid-19, on voit de toute façon se multiplier les “zones de turbulence qui gagnent en intensité sous l’effet des changements climatiques aux impacts sans cesse croissants”. Par conséquent, il faut impérativement s’autonomiser davantage. Et pour ce faire, le moyen est clair. “Notre industrie est appelée, aujourd’hui plus que jamais, à rendre la production locale plus concurrentielle pour réduire cette dépendance, à conforter davantage notre résilience et notre compétitivité, à consolider l’ancrage du Maroc dans les secteurs prometteurs,” souligne Mohammed VI. En termes plus clairs, si l’on veut vraiment garantir notre souveraineté, il faut que ce que nous produisons devienne plus attrayant, pour les autres comme pour nous-mêmes, pour que nous n’ayons plus à l’importer. Et nous en avons les moyens.
En quinze ans seulement, nos usines sont devenues capables de sortir des voitures et des réacteurs d’avion. Pourquoi s’arrêter à cela? Certes, nous ne serons jamais en mesure de tout produire. Pour de nombreux produits, nous ne serons tout simplement jamais compétitifs. Mais c’est le moment ou jamais, d’autant que la Covid-19 a également créé une fenêtre d’opportunités pour les pays du sud de la Méditerranée, à savoir que nos voisins européens ne sont plus tellement emballés à l’idée de délocaliser en Chine, finalement par trop lointaine mais aussi, quoiqu’il en soit, devenue chère du fait de l’augmentation du coût de la main d’oeuvre (conséquence de sa croissance à deux chiffres sur près de vingt ans).
De par son savoir-faire et les avantages qu’il présente, le Maroc peut légitimement aspirer à récupérer une partie des usines que le Vieux Continent compte “rapatrier”. Lors d’entretiens qu’elle avait eus fin avril 2020 avec le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, y avait apporté son appui, et on croit comprendre que le son de cloche reste d’actualité. Avec, par ailleurs, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), dont le Maroc a ratifié l’accord afférent en avril 2022, nous pouvons également aspirer à devenir l’atelier de l’Afrique. Et au final, plus d’usines, c’est également plus d’emplois et plus de revenus pour les ménages. Parce que la souveraineté est aussi profitable financièrement.