Le Maroc et Israël abattent leurs cartes

COOPÉRATION ÉCONOMIQUE APRÈS LA NORMALISATION

La période à venir semble simplement propice à ce que ce qui, avant, se faisait en catimini le soit au grand jour.

Le rétablissement des relations diplomatiques avec Israël, actée le 22 décembre 2020 au palais royal de Rabat par le biais de la déclaration signée avec l’État hébreu sous les auspices des États-Unis, ne comporte pas qu’un volet politique. Dans le communiqué du Cabinet royal du 10 décembre ayant annoncé ce rétablissement, dès après l’appel entre le roi Mohammed VI et le président américain Donald Trump, référence avait également été faite à la promotion de relations “innovantes” dans les domaines économique et technologique.

Coquilles vides
De ce fait, c’est dans la logique des choses qu’officiels marocains et israéliens travaillent actuellement d’arrache-pied pour qu’à ce niveau s’accélère la coopération. Il s’agit, en particulier, du plan d’action commun dont le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, avait donné quelques détails le 30 décembre au cours de l’appel téléphonique qu’il avait eu avec son homologue de l’Économie et par ailleurs natif de la ville de Bejaâd, puisqu’il est d’origine marocaine, Amir Peretz.

À cette occasion, le responsable marocain avait notamment mis l’accent sur les secteurs du textile, de l’agro-industrie, de l’automobile ou encore de la recherche et développement appliqués à l’industrie, soulignant que “les économies des deux pays regorgent de potentialités considérables et offrent des complémentarités qui nous permettent de développer un partenariat gagnant-gagnant”.

Pour sa part, M. Peretz avait fait part de l’intention de son gouvernement, que préside au passage Benjamin Netanyahou, de “soutenir les entreprises israéliennes et marocaines à participer aux programmes de développement des deux pays, notamment dans les secteurs des technologies vertes (dont les technologies de l’eau), de l’industrie, de la fintech, de la cyber-sécurité, des équipements médicaux et des investissements”. “Je suis convaincu que le potentiel commercial et d’investissement entre nos pays est énorme,” avait également souligné M. Peretz.

Plan d’action
Le plan d’action suscité pourrait notamment se répercuter, si l’on en croit les indiscrétions relayées dans les médias marocains et israéliens, sur la signature d’un accord de libre-échange bilatéral, qui de fait ferait d’Israël le cinquante-sixième pays à avoir un accord de cet acabit avec le Maroc. Dans une interview publiée ce 12 janvier 2021 par le quotidien L’Économiste, M. Peretz a même révélé qu’une équipe serait incessamment mise en place au niveau de son département pour y travailler, parlant d’“objectif majeur”. Pour leur part, les autorités marocaines restent discrètes à ce propos.

En tout cas, il y a lieu de rappeler que ce n’est pas avec le rétablissement des relations diplomatiques avec Israël que le commerce va commencer. La période à venir semble, en tout cas, simplement propice à ce que ce qui, avant, se faisait en catimini le soit au grand jour. Car avant, le bruit courait que les entreprises israéliennes devaient passer par des coquilles vides basées dans des pays tiers pour pouvoir opérer librement au Maroc.

On parlait notamment de la Jordanie comme de leur base arrière, surtout que le royaume hachémite avait, d’une part, été dès octobre 1994 le deuxième pays arabe à nouer des relations officielles avec Israël, et que de l’autre il soit lié, depuis le 27 mars 2007, au Maroc par l’entremise de l’accord d’Agadir qui couvre également l’Égypte, le Liban, la Palestine et la Tunisie.

De l’autre côté aussi, les investisseurs marocains pourront également prospecter à leur guise en Israël, eux qui, fin janvier 2020 déjà, avaient été invités par le directeur Egypte et Maghreb au ministère des Affaires étrangères israélien, Lior Ben Dor, dans une vidéo publiée en arabe sur les réseaux sociaux, à se rendre dans son pays.

Reste à savoir si au plan strictement économique le Maroc peut gagner, si la chose est vraiment dans le pipe, d’un accord de libre-échange, alors qu’Israël est une véritable “start-up nation” dotée de tous les atouts d’une économie développée -20ème produit intérieur brut (PIB) par tête au monde, devant même la France et le Japon-, alors que le Royaume demeure encore bien loin de pouvoir rattraper le train de l'émergence.

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