La presse, la vraie, s’en trouve encore à se faire une place, là où elle devrait être un des piliers du choix démocratique que dispose si éloquemment notre loi fondamentale.
Cela fera donc 29 ans, le 25 novembre 2020, que Maroc Hebdo aura fait sa première apparition dans les kiosques. Notre magazine entamera dès lors sa trentième année, et, même si l’on ne s’en rend pas toujours compte, une survie aussi longue constitue en elle-même un exploit. Survie, oui, car c’est un combat de tous les jours auquel sont depuis un moment réduites nos équipes, ici éperdument lancées à l’assaut de nouveaux lecteurs, là tentant de résister à l’amenuisement des recettes publicitaires. Et pour couronner le tout, la pandémie la plus incroyable de notre histoire contemporaine, celle de la Covid-19, a décidé de frapper à notre porte depuis le début de l’exercice.
En cela, certes, nous ne sommes guère moins bien lotis que nos autres confrères d’ici et d’ailleurs, et la presse nationale en particulier a d’autant plus pu compter sur une aide exceptionnelle de la part du département de tutelle qui, pour l’heure, a quelque peu pu résorber la crise, sans pour autant la nullifier. Mais demain? Y aura-t-il toujours une presse au Maroc? Maroc Hebdo, précisément, sera-t-il tout bonnement encore ou ne sera-t-il plus? Ces questionnements shakespeariens, nous n’allons pas nous mentir, ils sont nôtres, comme beaucoup d’autres entreprises du secteur les ont également faits leurs au cours de l’année en cours.
Certains, sans attendre même que la Covid-19 advienne, les ont tranchés en mettant la clé sous la porte, et le bruit court que de nombreux patrons seraient tentés d’en faire de même. Et on peut gager, hélas, que cela ne produira au final qu’un haussement d’épaule vaguement attendri chez les quelques excentriques se piquant des journaux, dans un pays où la lecture n’a jamais véritablement soulevé les foules et où l’information de qualité semble constituer un luxe tout-àfait superflu.
De fait, la presse, la vraie, s’en trouve encore à se faire une place, là où elle devrait constituer une institution et un des piliers du choix démocratique que dispose si éloquemment notre loi fondamentale. Mais dans une certaine mesure, cette donne n’est pas nouvelle et n’était, en fait, pas inconnue de Mohamed Selhami au moment de lancer Maroc Hebdo.
Le concerné a, ainsi, lui-même confié à l’auteur de ces lignes, un jour que la discussion avait porté sur les débuts du canard que vous tenez entre les mains, que son cercle le plus proche avait fait des mains et des pieds pour le décourager. Il menait alors depuis une quinzaine d’années une brillante carrière en France qui lui avait permis, à L’Équipe et à France Football puis à Jeune Afrique surtout, de rencontrer les grands de ce monde et de les interviewer, de Sankara à Arafat, et de couvrir les principaux événements de l’époque. Mais ce que M. Selhami avait acquis en termes d’expérience, il voulait en faire profiter le Maroc, simplement, quitte donc à sortir de cette zone de confort qu’il s’était constituée en Hexagone.
Et c’est ce qui rend, au final, l’aventure Maroc Hebdo si unique: certes, elle obéit, comme toute boîte qui se respecte, aux mêmes règles concurrentielles du marché et est tenue d’en tenir compte, mais c’est avant tout une histoire de coeur et de tripes. “Un marathon”, pour reprendre une analogie chère à M. Selhami, qu’il faut savoir courir à bon rythme et faire durer autant que possible. Un aggiornamento est, certes, nécessaire, car un modèle qui, bon an mal an, a pu traverser les avaries du siècle n’est pas condamné pour toujours à réussir.
Et la disruption qu’opère actuellement la Covid-19, tous secteurs confondus, est pour accélérer le pas, dans un sens dont, modestement, nous devons reconnaître ignorer les différentes intrications. Mais une chose est d’ores et déjà sûre: c’est avec ses lecteurs, seulement, que Maroc Hebdo pourra prolonger son existence. Et, dans la mesure du possible, continuer d’apporter son eau au moulin de la presse marocaine, car c’est cela dont il est, au final, question.