Maroc-Europe : Le temps de l'apaisement

Avec l’Espagne et l’Allemagne, peut-être le temps est-il venu pour retrouver un terrain d’entente et repartir sur une base plus saine.

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, l’assure: lui et le chancelier allemand, Olaf Scholz, n’ont pas abordé le Maroc au cours des entretiens qu’ils ont eus le 17 janvier 2022 au palais de La Moncloa, siège de l’Exécutif dans la capitale de la voisine ibérique, Madrid. «Nous n’en avons pas parlé, nous n’avons pas eu l’occasion,” a-t-il dit, en réponse à une question du quotidien espagnol ABC. En tout cas, MM. Sanchez et Scholz avaient bien des raisons pour mettre le sujet sur le tapis. Depuis un certain moment, leurs deux pays sont, on le sait, en crise avec le Royaume. En cause, les manoeuvres de leurs gouvernements envers lui et principalement envers son intégrité territoriale.

En étant à l’époque membre non permanent, l’Allemagne avait fait réunir le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour contester la décision du 10 décembre 2020 des États-Unis de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Ce qui était venu en plus s’ajouter à une série de ce que le ministère des Affaires étrangères avait taxé, dans communiqué en date du 6 mai 2021 ayant acté le rappel de l’ambassadrice Zohour Alaoui, d’“actes hostiles” et “actions attentatoires”, tels l’asile accordé au jihadiste et opposant Mohamed Hajib et l’exclusion du Royaume de la conférence qu’avait accueillie fin janvier 2020 la capitale allemande, Berlin, sur le conflit interlibyen, en dépit du fait que la partie marocaine joue un rôle de facilitatrice dans les pourparlers afférents.

Pour sa part, l’Espagne avait accepté, en avril 2021, l’hospitalisation sur son territoire du secrétaire général du mouvement séparatiste sahraoui du Front Polisario, Brahim Ghali, atteint de la Covid-19. Pire, elle avait tenté de le cacher au Maroc, en admettant le concerné sous une fausse identité diplomatique algérienne, et même à sa propre justice, qui le poursuit depuis novembre 2016 pour crimes contre l’humanité, tortures, génocide et séquestration. “Le Royaume du Maroc déplore l’attitude de l’Espagne,” avait réagi le 25 avril 2021, une semaine après le début de l’hospitalisation de M. Ghali dans la ville de Logroño, le ministère des Affaires étrangères.

Mais on ne peut pas dire que les deux pays européens ne cherchent pas désormais à calmer le jeu. Depuis le tournant de l’année 2022, ils ont même vu leurs chefs d’État, à savoir le président allemand Frank-Walter Steinmeier et le roi Felipe VI d’Espagne, prendre la parole et appeler, chacun à sa manière, à tourner la page.

Dans une lettre adressée au roi Mohammed VI à l’occasion du Nouvel an et dont c’est le Cabinet royal lui-même qui a révélé la teneur dans un communiqué publié le 5 janvier 2022, M. Steinmeier avait d’abord confirmé la position du cabinet mené depuis le 8 décembre 2021 par M. Scholz, en ce sens qu’il avait indiqué que l’Allemagne «considère le plan d’autonomie présenté en 2007 comme un effort sérieux et crédible du Maroc et comme une bonne base pour parvenir à un accord».

Il avait même salué “l’engagement actif” du Souverain “pour le processus de paix en Libye”, ce qui revenait de sa part et celle de son pays à présenter des excuses qui ne disent seulement pas leur nom. Le tout agrémenté d’une invitation officielle pour une “visite d’État en Allemagne”, pour “sceller un nouveau partenariat entre les deux pays”. Côté espagnol, Felipe VI a saisi l’occasion de la réception donnée le 17 janvier 2021 au palais royal de la capitale espagnole, Madrid, en l’honneur du corps diplomatique accrédité dans son pays pour plaider en faveur d’“une relation [bilatérale] pour le XXIe siècle, basée sur des piliers plus forts et plus solides”. “Maintenant, les deux nations doivent marcher ensemble pour commencer à matérialiser cette nouvelle relation dès maintenant,” a-t-il estimé. Ce que, à l’issue de sa rencontre avec M. Scholz, a d’ailleurs cautionné M. Sanchez, en déclarant, en faisant référence aux “paroles” de Felipe VI, “que l’Espagne considère logiquement le Maroc comme un partenaire, avec lequel nous devons cheminer ensemble au cours des mois et années à venir, et que de ce point de vue nous apprécions la collaboration et la coopération stratégique que nous avons avec le Maroc”.

Bien sûr, il est tout-à-fait normal que le Maroc se méfie et hésite encore à ce que Mme Alaoui à Berlin mais aussi Karima Benyaïch, rappelée de Madrid le 18 mai 2021, regagnent leurs postes, même s’il faut dire que le Royaume avait “appréci[é] les annonces positives et les positions constructives faites récemment par le nouveau gouvernement fédéral d’Allemagne” et que dans son discours de la révolution du Roi et du peuple du 20 août 2021, le roi Mohammed VI avait par ailleurs formulé le voeux “d’inaugurer une étape inédite dans les relations” avec l’Espagne.

Mais peut-être le temps est-il venu pour retrouver un terrain d’entente et repartir sur une base plus saine, du moment que cela se fait dans l’intérêt supérieur de chacune des parties.

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