Le Maroc garde l’équilibre grâce à l’endettement

SITUATION FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE AU 1ER TRIMESTRE 2021

Deux paramètres ont joué jusque-là en faveur de la limitation du déficit budgétaire de l’Etat: l’endettement extérieur et la baisse des dépenses ordinaires et d’investissement. Une situation qui ne peut pas durer longtemps. Le gouvernement est appelé à trouver des solutions pour entamer une véritable relance économique.

Peut-on avancer que l’année 2021 sera l’année de la relance économique? Décidément, rien ne laisse entrevoir cette hypothèse. A coups de restrictions sanitaires, notamment de déplacements, nombre de secteurs d’activité économique sont à l’arrêt, définitif ou partiel. Les faillites des entreprises ont augmenté de 21% durant le premier trimestre 2021. Et Le pire est à craindre dans les mois à venir.

L’impact négatif de la crise économique liée à la pandémie du Covid-19 commence à se faire sentir. Du côté des finances publiques, la situation n’est pas aussi reluisante qu’on le pense. Les chiffres relatifs aux charges et ressources du Trésor à fin mars 2021 montrent que le déficit budgétaire se situe à 6,7 milliards de dirhams (MMDH) contre un excédent de 5,6 MMDH, au titre de la même période de 2020. Une lecture de ces chiffres biaise l’analyse.

Car les deux périodes, à savoir les premiers trimestre 2020 et 2021, ne peuvent être comparés. En mars 2020, il y a eu le confinement et la décision de reporter les déclarations et le paiement de certains impôts. Aussi, et c’est le plus important, 18,3 milliards de dirhams de recettes exceptionnelles avaient été mobilisées, en mars 2020, dans le cadre du Fonds spécial de gestion de la pandémie du Covid-19. Un événement exceptionnel certes mais non récurrent.

De l’autre côté, l’année 2021 a été marquée par l’atténuation temporaire de la charge fiscale sur quelques secteurs, en difficulté, comme le tourisme, dans le cadre de la loi de Finances et l’encouragement du financement de l’entreprise et le financement public d’une partie du programme de généralisation de la protection sociale. Enfin, le budget de l’Etat a subi, ce premier trimestre 2021, la hausse de la masse salariale, sous l’effet de la troisième phase du dialogue social. Ceci dit, quoique incomparables, le déficit budgétaire aurait pu se creuser davantage à fin mars 2021.

Une analyse biaisée
S’il a été plus ou moins estompé, c’est grâce à l’endettement, aux emprunts à l’international plus précisément. Petit rappel, si besoin est, le gouvernement a levé en septembre 2020 1 milliard d’euros sur le marché international pour rembourser une tombée de dette. Il est revenu sur le marché début décembre de la même année en levant un montant record de 3 milliards de dollars. L’endettement public a battu tous les records depuis le début de la pandémie.

Moins d’un mois de l’annonce de l’état d’urgence, du 6 au 8 avril 2020, il y a eu le projet de loi autorisant le déplafonnement des emprunts en devises, le tirage de 275 millions de dollars du prêt de la Banque mondiale réservé préalablement aux catastrophes puis le tirage sur la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars, soit le montant total de la ligne.

Point positif: contrairement à ce que l’on pensait, la baisse des recettes fiscales n’a pas été si catastrophique. Du moins, selon les apparences. Mais il va falloir analyser les chiffres pour en tirer le bon enseignement. Les recettes fiscales ont accusé une baisse de près de 2,1 milliards de dirhams. Une baisse justifiée, notamment, par la non reconduction, en 2021, de la mesure relative à la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices, instituée par la loi de finances 2019. Hormis cette contribution, les recettes fiscales affichent une relative résilience en se situant, quasiment, au même niveau qu’à fin mars 2020, lequel n’a été affecté que, partiellement, par les effets de la pandémie.

Relative résilience fiscale
La plus importante baisse des recettes a été celle de l’Impôt sur les sociétés (IS) (-1,8 milliard de dirhams), en lien, principalement, avec la baisse de l’activité en 2020 et, dans une moindre mesure, des droits d’enregistrement et de timbre (0,3 MMDH) et des taxes intérieures de consommation (-0,1 MMDH). Il y a eu, en revanche, une augmentation des droits de douane de 0,3 MMDH et des recettes au titre de l’Impôt sur les revenus (+0,9 MMDH) et de la TVA à l’intérieur (+0,8 MMDH) et à l’importation (+0,3 MMDH). L’évolution de la TVA à l’importation s’explique, principalement, par la TVA sur les produits hors énergie (+0,5 MM.DH), qui a plus que compensé le recul de celle afférente aux produits énergétiques (-0,2 MMDH), sous l’effet de la baisse des importations, en volume et prix.

Comme attendu, les recettes non fiscales ont enregistré un repli de 900 millions de dirhams, imputable, à hauteur de 1,2 MMDH, aux «fonds de concours». Les produits provenant des établissements et entreprises publics ont, en revanche, enregistré une augmentation de 400 MDH, attribuable, principalement, à un versement de 500 MDH de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie au titre des dividendes de 2020. On ne peut pas comprendre pourquoi il y a eu un solde ordinaire négatif de 1,2 MMDH, contre un solde positif de 200 millions de dirhams à fin mars 2020, que lorsque l’on sait que l’apport du Fonds spécial de gestion de la pandémie a contrebalancé le déficit abyssal attendu en 2020 et que cet effet ne s’est pas reproduit en 2021.

C’est dire que le solde ordinaire négatif à fin mars de l’année en cours aurait dû être beaucoup plus important. Mais ce qui a empêché cette dégradation, c’est que les dépenses ordinaires ont baissé de 1,3 milliard de dirhams cette année. Ce qu’il faut savoir surtout, c’est que les dépenses d’investissement se sont inscrites en baisse (-2,3 MMDH) par rapport à fin mars 2020. Comparativement aux prévisions de la Loi de Finance 2021, leur taux de réalisation a été de seulement 28,4%. Alors que la charge de la compensation a enregistré une augmentation de 300 millions de dirhams, en liaison, notamment, avec la hausse des cours du gaz butane.

Mais il n’y a pas que le côté négatif. L’exercice 2021 s’appuiera sur une campagne agricole annoncée très bonne, voire excellente, contrairement aux années 2019 et 2020. Il va falloir trouver une solution pour élargir l’assiette des recettes fiscales pour accompagner le plan de relance économique et pour financer les projets d’investissement. Sinon, la situation des finances publiques va empirer davantage.

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