Comme on pouvait s’y attendre, le Royaume ira plus loin dans ses emprunts extérieurs que l’argent récemment obtenu auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
Mohamed Benchaâboun compte, à l’évidence, bien faire sauter la banque. De passage à la Chambre des représentants ce 30 avril 2020 pour défendre auprès des élus de la première chambre le dépassement du plafond des emprunts extérieurs, fixé à 31 milliards de dirhams au titre de la loi des finances adoptée le 6 décembre 2019 par le parlement, le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’administration a confirmé ce à quoi beaucoup se résignent déjà, c’est-à-dire que le Maroc aille plus loin que les 275 millions de dollars empruntés le 2 avril 2020 à la Banque mondiale et, surtout, les 2,97 milliards de dollars tirés sur la ligne de précaution et de liquidité (LPL) du Fonds monétaire international (FMI) le 7 avril 2020.
En effet, selon ce qu’a révélé M. Benchaâboun devant les députés, des consultations ont été ouvertes par le Royaume aussi bien avec d’autres pays, en citant la France, l’Allemagne et le Japon, qu’avec des institutions financières dont, a-t-il égrené, encore la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds monétaire arabe (FMA), le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES), la Banque islamique de développement (BID) et la Banque européenne d’investissement (BEI) -dont la vice-présidente, Emma Navarro, avait au passage fait part le 10 avril 2020, dans une déclaration à l’agence MAP (Maghreb arabe presse), de sa disposition à “apporter tout l’appui nécessaire” au Maroc. “Nous travaillons avec eux et nous voyons ce qui est le mieux,” a commenté M. Benchaâboun. Certes, ce dernier a assuré que les services de son département demeuraient alertes pour que l’endettement externe du Maroc ne dépasse pas 20% du total de sa dette; il n’en reste pas moins que les inquiétudes à l’égard de sa stratégie demeurent, notamment dans les rangs de l’opposition de gauche.
Menace à la souveraineté
La députée PPS (Parti du progrès et du socialisme) Souad Zaïdi et celui de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) Omar Balafrej n’ont ainsi pas manqué de l’interpeller après qu’il a parlé des consultations en cours, redoutant notamment, dans le cas de M. Balafrej, “une menace à l’encontre de la souveraineté nationale”. Mais pour le ministre, l’endettement externe est inévitable, dans la mesure où les sources habituelles de devises ont enregistré de fortes chutes depuis le début de la pandémie de Covid-19 selon les chiffres qu’il a donnés dans son exposé: baisse de 10% des envois des Marocains résidant à l’étranger, contraction entre 50% et 80% des exportations,...
M. Benchaâboun a par ailleurs rejeté en bloc, en réaction à l’intervention de M. Balafrej, l’option de limiter les importations, car selon lui cela ramènerait le Maroc à l’époque du programme d’ajustement structurel (PAS) imposé à partir de 1983, et ce jusqu’en 1990, par le FMI au Royaume. Selon lui, le Maroc gagnerait plutôt à mettre à profit les “investment grades” relativement stables dont il jouit auprès des principales agences de notation que sont Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s. Pas sûr, toutefois, que cela convainque tout le monde.