Le Maroc balise la voie pour l’émergence d’une industrie militaire

Maroc: Cap sur la souveraineté militaire

Pour assumer pleinement son statut de puissance régionale, le Maroc se doit de développer son industrie militaire et de réduire sa dépendance de l’étranger pour son armement.

L’annonce n’est pas passée inaperçue. Elle fait même les unes des journaux et des sites internet d’information depuis le weekend dernier. Un Conseil des ministres présidé le 1er juin 2024 par le Roi Mohammed VI, a adopté un projet de décret portant création de deux zones d’accélération industrielle dans le secteur de la défense. Depuis, les analyses et les prédictions se multiplient pour décortiquer le poids d’une telle mesure et son importance dans la mise en oeuvre des ambitions du Maroc en matière d’industries de défense et de sécurité. Le sujet interpelle et intrigue d’autant plus que le développement de ce secteur, avec toute la sensibilité que cela soulève, semblait toujours relever du domaine du secret, en plus d’être relégué au second plan au profit d’autres secteurs comme les industries civiles ou encore les grandes infrastructures.

C’est justement cette profonde métamorphose que le Royaume a connue ces vingt dernières années, lui permettant de se doter entre autres du plus grand port d’Afrique et du bassin medittéranéen, de devenir le plus grand exportateur de voitures de son continent, ou encore de se targuer d’un immense réservoir de main d’oeuvre qualifiée et d’une base importante dans différentes industries de pointe, qui donne sens à ces ambitions en matière d’industrie de la défense. Le pays dispose désormais d’une grande expertise dans des industries à forte valeur ajoutée et nécessitant des compétences technologiques.

Et puis, surtout, il se retrouve propulsé sur le devant de la scène en tant que hub et puissance économique régionale. En parallèle, Rabat s’est imposée également dans sa sous-région en tant qu’acteur diplomatique clé, et interlocuteur vital et crédible dans le domaine sécuritaire pour de nombreux grands pays du monde. Un statut qui ne saurait être assumé sur le long terme, et encore moins développé, sans disposer d’une assise militaire solide et performante.


Certes, les Forces armées royales (FAR), qui viennent de fêter leur 68è anniversaire le 14 mai 2024, ont largement fait leur preuve, tant bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Disciplinés, formés et hautement équipés, nos militaires veillent avec bravoure et dévouement sur la sécurité et l’intégrité territoriale de notre pays. Le dernier grand exemple est l’opération d’El Guerguerat en décembre 2020, qui avait permis de déloger, de manière professionnelle et redoutablement efficace, les éléments des milices séparatistes du Polisario et d’ouvrir un passage stratégique vers la Mauritanie et le reste de l’Afrique. À l’étranger, le Royaume est le 11è pays le plus représenté au sein des casques bleus de l’ONU pour le maintien de la paix dans le monde, avec des éléments déployés dans trois continents différents depuis la première participation en 1960 en Congo démocratique.

Toutefois, la question de la souveraineté en matière d’armement et de sécurité s’est toujours posée. Pour pouvoir prétendre pleinement au statut de puissance, la dépendance de l’étranger ne serait-ce que pour les munitions, est un véritable frein. Encore plus dans le cas du Maroc, alors que son voisin et rival régional, l’Algérie, multiplie les gestes hostiles notamment depuis l’arrivée au pouvoir fin 2019 du duo Saïd Chengriha-Abdelmadjid Tebboune, jusqu’au point d’évoquer la possibilité du déclenchement d’un conflit armé. La bonne nouvelle, c’est que le Maroc ne part pas de zéro. Outre les atouts déjà mentionnés relatifs entre autres aux infrastructures, les FAR disposent déjà d’unités de maintenance de matériel et même de production à petite échelle de certains équipements. Sans oublier le grand coup de pouce donné avec l’adoption en juillet 2020 de la loi n°10- 20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions. Depuis, de nombreux partenaires étrangers ont montré leur intérêt pour s’installer dans le Royaume.

C’est le cas du géant américain Boeing qui a signé, en février 2023, un accord avec le Royaume pour la compensation industrielle d’une valeur de 150 millions de dollars avec comme objectif, entre autres, de renforcer l’autonomie des Forces royales air, et favoriser l’émergence d’une base industrielle et technologique de défense dans le pays. Et avec le dernier décret du 1er juin 2024, c’est un nouveau pas en avant dans l’accomplissement du statut du Maroc de puissance à tous les niveaux.

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