Le Maroc assume le sale boulot de l'Europe

Le dilemme

Le Maroc est pris au piège entre une Afrique qui se plaint du mauvais traitement des migrants et qui ne cherche à rien savoir des conditions difficiles de la gestion des frontières et une Europe ingrate qui externalise un dossier épineux et qui ne veut pas assumer ses responsabilités historiques.

Ce qui s’est passé vendredi 24 juin 2022 à la clôture frontalière séparant le Maroc du préside occupé de Mélilia est un drame déplorable à bien des égards. Pis, c’est pour le Maroc un dilemme inextricable. Le Royaume se retrouve entre le marteau et l’enclume. Le marteau africain car toutes les fois qu’il se défend et surveille scrupuleusement ses frontières avec l’Europe, il est incriminé et pointé du doigt pour avoir fait usage de la violence. Et comme dans les événements tragiques survenus au poste frontalier avec Mélilia, on l’accuse, à tort, d’avoir du sang sur les mains.

Quant à l’enclume européenne, depuis toujours, la position géographique stratégique du Maroc, qui attisait la convoitise des puissances coloniales européennes, le dessert autant qu’elle le sert. Pour nombre de jeunes Africains subsahariens, le Royaume est le pays de transit idéal pour passer de l’autre côté de la rive méditerranéenne, sans grands accrocs.

Les ténors fondateurs de l’Union européenne le savent. Après s’être servis à outrance de leurs aïeuls pour sa reconstruction et son essor économique et pillé les richesses de leurs pays respectifs, les Européens rejettent ces jeunes désespérés sans autre forme de procès. Ils ont, à dessein, décrété la fameuse politique de l’«immigration choisie». Les Européens ne veulent que les têtes bien faites et bien pensantes.

Pour faire le tri, ils bouchent les vannes de l’immigration clandestine. Ils le font par Etat interposé. C’est du Maroc qu’il s’agit. Le pays d’Afrique du Nord le plus avantagé géographiquement paie le prix fort d’une coopération bancale qui profite inéquitablement aux Européens, les Espagnols en premier, qui cherchent de la manière la plus inhumaine à refouler les migrants au niveau d’un petit bout de terre européenne, ou plutôt marocaine, vestige d’une époque coloniale.

Le Royaume déploie d’énormes efforts et des moyens colossaux pour faire le «sale boulot» à la place d’une Europe hypocrite. Il met en oeuvre une politique européenne d’endiguement d’une migration indésirable, conséquence intemporelle d’une colonisation dévastatrice, qui passe toujours par des barbelés, des murs… toujours loin de la frontière européenne, en territoire africain. Le Royaume subit continuellement une pression pour surveiller, toujours plus efficacement, les frontières avec une vision sécuritaire européenne défaillante et impitoyable.

Il est temps que le Maroc renégocie du moins son statut dit «avancé» vis-à-vis de l’Union européenne. Il ne peut plus supporter cette politique de fuite en avant de l’Europe, cette externalisation vicieuse du contrôle migratoire et de la gestion des frontières, en devenant le «gendarme» détesté d’un continent qui n’est plus vraiment l’Eldorado rêvé d’il y a quelques années.

Ce faisant, en tout cas, le Vieux continent fait tout pour rendre impossible le droit d’asile, un droit fondamental dans la constitution européenne. Les vingt-sept de l’UE font, ainsi, du droit d’asile une exception, un privilège qui profite aux seuls faux opposants qui critiquent à volonté leurs pays respectifs et un moyen de pression contre leurs «partenaires» africains à chaque fois que leurs intérêts sont compromis.

Somme toute, le Maroc est pris au piège entre une Afrique qui se plaint du mauvais traitement des migrants et qui ne cherche à rien savoir des conditions difficiles de la gestion des frontières; et une Europe ingrate qui externalise un dossier épineux et qui ne veut pas assumer ses responsabilités historiques.

Et comme si cela ne suffisait pas, il y a ceux pour qui le caprice et la mauvaise foi sont un mode de vie et qui ne pêchent qu’en eau trouble. C’est le cas du régime algérien. La junte militaire y a trouvé un alibi pour accuser le Maroc de massacrer des migrants, Ces derniers fuient, en vérité, le mauvais traitement et l’expulsion systématique du sol algérien. D’ailleurs, les assaillants de Mélilia, en majorité des Soudanais, ont agi, de source sûre, sur instigation des services algériens.

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