Le Maroc et l'après-crise

AUTRE CHOSE, AUTREMENT...

C’est un Etat social qui doit être désormais à l’ordre du jour.

Que faire demain ? Comment anticiper sur l’aprèscrise ? Une double interrogation taraude déjà les esprits, d’une manière ou d’une autre, tant au Maroc qu’ailleurs. La remise sur pied des entreprises, évidemment, mais comment convaincre les opérateurs de reprendre une activité économique normale ? Il y a un pré-requis ; il a trait à ce qu’un sentiment de sauvegarde de la santé publique finisse par prévaloir. Cette crise sanitaire a mis à nu le déficit social dans son expression la plus anxiogène. Personne dans le monde ne pouvait prévoir un tel virus, mais il a conduit à choc avec le système de santé.

Dans un mois, dans deux mois, il faudra bien que le gouvernement actuel apporte une réponse politique, inédite et très coûteuse, à des demandes et à des besoins qui ont pratiquement explosé dans le champ national. Ce cabinet a été bousculé et projeté en dehors d’une certaine “zone de confort” qui était sa marque de fabrique depuis près de trois ans. Saâd Eddine El Othmani, par un discours obstinément optimiste, se voulait rassurant ; il n’avait pas beaucoup de retour tant il est vrai que l’attentisme voire l’inquiétude prédominaient dans la majorité des milieux.

Il n’est pas le seul à subir les effets de la présente situation. Ses alliés de la majorité (RNI, MP, UC, USFP) sont-ils audibles ? Difficile à soutenir. Les partis de l’opposition (PI, PAM, PPS) ont-ils bénéficié de cette déflation de ce gouvernement ? Le Schéma binaire majorité/opposition ne tient plus parce qu’il est le résultat d’une équation politique désormais obsolète mise sur pied en avril 2017.

Il faut donc tout revoir et faire autre chose, autrement. Mais avec modus operandi et quelles chances de faisabilité ? L’une des priorités n’est plus simplement de mettre en oeuvre des interventions d’urgence, dans de multiples domaines ; elle porte également sur ce qui pourrait intervenir en dehors de la portée de celles-ci. Il faut aussi y accoler cette dernière interrogation : quand ?

L’une des thèses qui circule aujourd’hui dans des milieux économiques spécialisés est celle-ci : priorité doit être donnée à la mise en place de ce qu’ils appellent des “coupe-circuits” limitant l’impact de la crise économique et financière. Des compromis doivent être trouvés et des arbitrages rendus. Il s’agit de protéger bien sûr les catégories vulnérables de la population, de maintenir les entreprises à flot et de préserver les secteurs économiques stratégiques. La crise doit être jugulée mais en jetant les bases d’une croissance forte, durable et inclusive. Le terrain a déjà été préparé avec la question du modèle de développement à l’ordre du jour depuis deux ans et demi et dont est chargée une commission dédiée. Celle-ci n’a pas d’autre choix que de revoir totalement ses axes et les matériaux de son travail. Que peut-elle en effet proposer, en l’état, à la fin de ce premier semestre 2020 ? C’est un Etat social qui doit être désormais à l’ordre du jour. Il doit faire prévaloir des intérêts plus généreux que ceux de catégories sociales nanties, de réseaux et d’intérêts. Tant de réformes sont annoncées, de manière récurrente, sans enregistrer de réelles avancées : réforme fiscale, lutte contre l’économie de rente, modèle inclusif, réaménagement spatial,...

Un certain discours sur le Maroc qui ne sera plus le même, relève de la rhétorique convenue ; il n’est pas explicatif. Il repose sur un postulat que ce phénomène épidémique ouvre par lui-même du politiquement novateur par on ne sait trop quel processus mécanique. Dans le champ social, les réalités sont plus complexes. Pour l’heure, ne garderont sans doute une force politique et une dynamique sociale que tout ce qui touche les multiples aspects de la santé publique, sans garantie d’interaction sur le reste...

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