Le mariage des jeunes filles progresse dans le royaume

Le constat alarmant de l'Unicef

Selon les statistiques du ministère de la Justice, 32.104 demandes de mariage d’enfants ont été enregistrées en 2018, contre 30.312 en 2006.

Le vendredi 11 octobre 2019, le monde entier a célébré la journée internationale de la fille. Une célébration certes passée sous silence mais elle représente à coup sûr une occasion en or pour les instances internationales pour sensibiliser les gouvernements et les Etats à la nécessité d’éradiquer le mariage des jeunes filles. Pour l’Unicef, une organisation onusienne chargée de la protection des enfants, cette pratique, encore très répandue dans notre pays, est considérée comme une grave violation des droits humains et une pratique menaçant l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément aux standards internationaux des droits humains auxquels le Maroc est adhérent.

Obstacle au développement
Le Maroc a clairement affiché son engagement et sa volonté de combattre cette pratique. Plusieurs initiatives émanant, notamment, du ministère de la Justice, du Conseil national des droits de l’Homme et de la société civile ont visé l’élimination du mariage des jeunes filles en vue de permettre à chaque enfant de jouir de tous ses droits. Dans son dernier rapport consacré à cette question, le Conseil économique et social, présidé Ahmed Réda Chami, a, pour sa part, recommandé l’accélération du processus d’éradication de la pratique du mariage d’enfants dans l’intérêt du développement socio-économique du pays. Mais il se trouve, malgré toutes les actions menées par les pouvoirs publics et la société civile, que cette pratique ne cesse de progresser à un rythme effréné dans le Royaume. Selon les statistiques du ministère de la justice, 32.104 demandes de mariage d’enfants ont été enregistrées en 2018, contre 30.312 en 2006.

Entre 2011 et 2018, 85% des demandes de mariage se sont soldées par une autorisation. Et 99% des demandes de mariage impliquant des enfants ont concerné des filles sur la période 2017-2018. Cette situation est d’autant plus alarmante que seules les demandes en mariage d’enfants et les mariages contractés légalement sont pris en compte par les statistiques officielles du ministère de la justice. Sachant que les mariages informels des jeunes filles appelés mariages «Orf», ou avec Fatiha, ou encore les mariages dits par «contrat» ne figurent pas dans les statistiques officielles. Ce qui renseigne davantage sur la dimension monstrueuse de ce mariage qui porte gravement atteinte à l’avenir des jeunes filles. Pour l’Unicef, cette pratique met sérieusement en danger la vie et la santé de jeunes filles et restreint leurs perspectives d’avenir. Les études et les recherches ont, par ailleurs, démontré qu’elle est nuisible à plusieurs niveaux car elle constitue un facteur de transmission intergénérationnelle de la précarité.

Les effets préjudiciables du mariage d’enfants remettent en cause la pertinence et l’efficacité des systèmes de protection des enfants, et notamment des filles, à plusieurs niveaux. D’abord, on peut citer l’incapacité des enfants à pouvoir formuler un consentement pour des relations sexuelles et de pouvoir choisir un mode de contraception, ce qui expose aux grossesses non désirées, aux avortements à risque, aux infections sexuellement transmissibles, à la mortalité maternelle et néonatale ainsi qu’à la violence conjugale avec toutes les conséquences physiques et psychologiques qu’elles peuvent engendrer. Autre conséquence grave et non des moindres: le mariage d’enfants et les grossesses précoces forcent des millions de filles à abandonner leurs études et contribuent ainsi à leur exclusion, à l’abandon de leurs projets de vie et réduisent considérablement leur capacité de participation à la création de la richesse nationale. Sur un plan global, cette pratique demeure un veritable obstacle au développement du pays et pourrait provoquer des effets néfastes sur la santé mentale et physique des jeunes filles.

Volonté politique
A la lumière de cette terrible réalité sociale que vit la société marocaine, les instances onusiennes, dont l’Unicef, recommandent aux Etats et aux gouvernements de mettre en place un plan d’action efficace basé en premier lieu sur la révision des lois concernant la protection de l’enfance et le renforcement de l’accessibilité à un système d’éducation et de santé pour les jeunes filles. Informer les familles, les communautés et les dirigeants pour investir en faveur des adolescentes est aussi une recommendation formulée par l’Unicef.

Mais toutes ces recommandations ne valent absolument rien si les pouvoirs publics ne manifestent aucune volonté politique pour éradiquer ce phénomène. Car il y va sérieuisement de l’avenir du pays et de son développement.

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