Dans les règles de bienséance du monde de la diplomatie, le langage utilisé dans le communiqué du ministère de la Santé est inacceptable. Accuser un pays comme l’Espagne, dont le secteur de la santé est parmi les plus développés en Europe, de non-respect des mesures sanitaires est insensé.
Les relations diplomatiques entre Rabat et Madrid sont assez tendues et ne supportent pas qu’on en rajoute davantage. Cette fois-ci, c’est du côté marocain que l’on cherche à jeter de l’huile sur le feu au lieu de mettre de l’eau dans son vin.
Le choix délibéré du Maroc de rapatrier une partie de ses ressortissants bloqués en Europe à cause du Covid-19 via le Portugal plutôt que par l’Espagne a déclenché, mardi 21 décembre 2021, une nouvelle passe d’armes diplomatique entre Rabat et Madrid. Bizarrement, ce n’est pas le département de Nasser Bourita qui est à l’origine de cette nouvelle brouille gratuite.
Mais bel et bien le département de Khalid Aït Taleb. Le ministre de la Santé communique rarement mais quand il le fait, cela crée toujours une nouvelle polémique. Le 13 décembre, le gouvernement marocain a autorisé «à titre exceptionnel» les Marocains bloqués à l’étranger à retourner dans leur pays à partir du Portugal, de la Turquie et des Emirats arabes unis.
Dans un communiqué publié le lundi 20 décembre 2021 dans la soirée, le ministère de la Santé justifie la décision du choix du Portugal au lieu de l’Espagne. Seulement, le communiqué contenait une grosse maladresse. Il a évoqué que l’organisation des vols spéciaux de rapatriement à partir du Portugal est justifiée par l’absence de respect des protocoles sanitaires par les autorités espagnoles.
Crise diplomatique
«Cette décision s’explique par l’absence de garanties tangibles concernant le respect des mesures déjà prises, dont le contrôle du pass vaccinal et de l’état de santé des passagers, selon une approche ferme, appropriée et en conformité avec les recommandations et règles internationalement reconnues», a expliqué le ministère. «Les autorités espagnoles compétentes sont loin d’assurer une action rigoureuse de contrôle de l’état de santé des passagers lors de l’embarquement des passagers aux aéroports», a-t-il accusé.
Cette accusation directe ne pouvait passer inaperçue. Lors d’une conférence de presse mardi 21 décembre 2021 à Madrid, le chef de la diplomatie espagnole a vivement dénoncé la déclaration marocaine. «Le communiqué public n’est pas acceptable du point de vue de l’Espagne car il ne correspond à aucune réalité », a réagi José Manuel Albares. «L’Espagne remplit tous les critères internationaux en matière de lutte contre le Covid, le gouvernement y travaille sans relâche», a assuré M. Albares.
Mais pourquoi le ministre de la Santé Aït Taleb s’immisce-t-il dans une crise diplomatique? Dans les règles de bienséance du monde de la diplomatie, le langage utilisé dans le communiqué est inacceptable. Accuser un pays comme l’Espagne, dont le secteur de la santé est parmi les plus développés du continent européen, est insensé.
Le pire, c’est qu’il n’a jamais déclaré avoir détecté de cas Omicron en provenance de l’Espagne. Et puis, nous avons un ministre des Affaires étrangères qui est habilité à parler au nom du Royaume lorsqu’il s’agit de relations politiques avec des pays étrangers. Pourquoi alors Khalid Aït Taleb a-t-il empiété sur une prérogative qui est du ressort de son co-équipier? Ce cas renseigne sur un manque de cohésion qui nous rappelle celui de l’ancien gouvernement El Othmani, où le même ministre de la Santé prenait certaines décisions dont son «chef» n’était pas au courant.