Cette affaire infâme de chantage par deux journalistes français est un précipité de crapulerie, elle conjugue la honte et le déshonneur. Elle condamne au grand jour une engeance qui sévit particulièrement en France, une faune méprisable. Quelques extraits des enregistrements des échanges qu’ont eus Éric Laurent et Catherine Graciet avec l’émissaire du palais, Me Hicham Naciri, sont le meilleur résumé de ce dossier.
«Vous voulez quoi?», demande l’avocat marocain «Je veux trois», répond Éric Laurent «Trois quoi?, trois mille?», interroge Me. Naciri «Non, trois millions», dit le journaliste français «Trois millions de dirhams?», demande Me. Naciri. «Non, trois millions d’euros», précise Éric Laurent.
Extorsion de fonds
Voilà des extraits accablants des échanges qui ont eu lieu le 11 août 2015, au bar de l’hôtel Royal Monceau, à Paris. C’était là la première rencontre entre eux. Elle fait suite à un appel téléphonique d’Éric Laurent, le 23 juillet, au secrétariat particulier du Roi.
M. Naciri prend ensuite contact avec lui de nouveau pour fixer un autre rendez-vous pour le 27 août à l’hôtel Peninsula, avenue Kléber, à Paris. Éric Laurent s’y rend avec Catherine Graciet, coauteur du livre sur la famille royale au centre de cette affaire. Mais celle-ci, méfiante, propose que la rencontre ait lieu ailleurs, au bar de l’hôtel Raphaël, mitoyen. Le rendez-vous dure plusieurs heures. Il est conclu par la remise d’une enveloppe de 40.000 euros à chacun d’entre eux et leur signature d’une lettre manuscrite de renoncement à la publication de leur ouvrage. A la sortie de cet hôtel, ils sont cueillis par la police et placés en garde-à-vue pour tentative de chantage et d’extorsion de fonds. Mis en examen pour ces deux chefs d’inculpation par un magistrat dans la nuit du 28 au 29 août, ils sont soumis à un contrôle judiciaire et à l’interdiction de tout contact entre eux.
Poursuites judiciaires
Comment se présente ce dossier? Tout d’abord, ceci: les éléments matériels du délit sont établis pour confondre les deux journalistes. Le flagrant délit est patent: réception de la première avance d’argent de 80.000 euros, signature d’une lettre manuscrite recopiée par Catherine Graciet même en trois exemplaires, enregistrement des échanges avec l’avocat marocain. Des éléments dûment consignés aujourd’hui dans le dossier de procédure et qui ont justifié les poursuites judiciaires.
Réagissant, leur avocat, Me. Éric Moutet, conteste la qualification de chantage et d’extorsion de fonds et considère qu’il «y a eu contournement de la loi» référence faite à ce qu’il appelle des «écoutes sauvages» devant fonder une «requête en nullité de la procédure». Or, ces écoutes sont liées à la plainte déposée par l’avocat marocain, le 20 août, auprès du parquet parisien. Trois magistrats ont été alors désignés pour suivre ce dossier et ils ont arrêté avec la police judiciaire les actes d’instruction de cette procédure pénale.
En enregistrant les propos tenus avec les deux journalistes, Me Naciri avait été autorisé à le faire, la loi française ne permettant pas à la police de mener une telle opération et ce sur la base de la législation sur la protection des sources. Contrairement aux allégations de ces deux journalistes, il n’y a eu aucun piège ni traquenard.
Appâtés par la vénalité et la cupidité, c’est en toute connaissance de cause qu’ils se sont prêtés à la commission du délit pour lequel ils sont aujourd’hui poursuivis. Leur lettre contractuelle manuscrite a été signée sans aucune manoeuvre dolosive ni pression de quelque nature que ce soit. Ils y accusent réception d’un acompte de 80.000 euros et ils s’engagent aussi à «ne plus rien écrire sur le Royaume du Maroc» et à «ne plus jamais s’exprimer publiquement sur ce pays».
Obligations réciproques
Enfin, ils attestent que la non publication de leur livre a pour contrepartie le versement d’une somme finalement arrêtée à 2 millions d’euros, leur prétention de départ étant de 3 millions. Il y a eu marchandage, négociation puis la finalisation d’un accord devant entraîner des obligations réciproques pour les deux parties, eux d’un côté et l’avocat marocain de l’autre. La maison d’édition Le Seuil a, quant à elle, annoncé, lundi 31 août 2015, que «la publication du livre ne saurait avoir lieu… La confiance avec les auteurs est dissoute…».
Si Éric Laurent est fondé, comme tous les justiciables, à invoquer le principe de la présomption d’innocence en attendant le jugement, il ne peut cependant parler de «déformation ou même d’invention de faits» en mettant en cause les déclarations de l’avocat français représentant le Maroc, Me. Éric Dupont-Moretti. Cet avocat a-t-il ajouté autre chose par rapport aux “faits têtus” désormais entre les mains de la justice? Le journaliste français a pris attache dès son premier contact, en date du 23 juillet, avec le secrétariat particulier du Roi pour préciser qu’il préparait un livre explosif. Il a aujourd’hui changé de registre en avançant qu’il voulait croiser des informations en sa possession sur la famille royale et ce dans un souci de recoupement conforme aux exigences du bon journalisme d’investigation.
Qui le croira? Si telle avait été sérieusement son intention, il avait tout loisir pour formuler cette demande par écrit et d’attendre, le cas échéant, une réponse... Il avance encore un autre point: il n’y a jamais eu demande d’argent. Comment peut-il soutenir une telle assertion alors que l’enregistrement disponible, qui est une pièce dans le dossier, fait précisément état d’une demande d’argent –trois millions d’euros ramenés à deux avec un acompte de 80.000 euros. Il soutient encore qu’il n’était pas venu avec l’état d’esprit d’une transaction financière mais avec l’idée d’une interview. Un système de défense qui ne tient pas la route parce qu’il est proprement fantaisiste.
Activisme hostile
Quant à Catherine Graciet, elle reprend des points pratiquement de même facture que ceux de son coauteur. Là encore, elle explique qu’elle est «tombée dans un piège» et qu’elle n’avait aucune intention de faire du chantage. Mais elle ajoute qu’elle est victime d’un règlement de comptes et d’une opération politique émanant de Rabat dictés par son activisme hostile au Maroc illustré par le livre publié en 2013 avec le même Éric Laurent ainsi que par ses prises de position continues depuis une bonne dizaine d’années. Son avocat avait développé cette position dès le placement en garde-à-vue le 27 août en avançant que «le Royaume du Maroc a des comptes extrêmement lourds et un passif à solder» avec elle.
Des propos qui prêtent à sourire. Franchement, cette journaliste, c’est qui? Comment peutelle se mettre au niveau d’un pays et d’un État et se présenter comme un acteur de ce rang? Subsistant de piges et d’expédients n’est-ce pas elle qui avait publié un livre sur Leïla Trablessi, La régente de Carthage, financé par un homme d’affaires tunisien, un certain Lotfi, résident aux Émirats arabes unis? En somme, le journalisme de racket éligible au mercenariat.
Et Éric Laurent? Durant des années, il a sévi au Maroc. Il a publié un livre d’entretiens avec feu SM Hassan II, Mémoires d’un Roi. A cet effet, il a été royalement rétribué. Et puis le voilà qui crache dans la soupe parce qu’il n’a pas pu poursuivre son commerce avec le nouveau règne. Il a fait bien des avances, multiplié les propositions, en vain. Il en a été fort dépité et il s’est alors replié sur la fructification d’une capacité de nuisance. Un créneau occupé par d’autres –tant en direction du Maroc que d’autres pays de la région et du continent pour faire du chantage portant sur la publication d’un livre.
Ces deux journalistes paraissent battre leur coulpe en concédant, ou plutôt en avouant, qu’ils ont cédé à une tentation. Tentation de l’argent: 2 millions d’euros! Éric Laurent déclare qu’il vit une situation personnelle difficile liée à un cancer généralisé de sa femme, ce qui lui permettrait de faire face aux soins de santé et en même temps de prendre sa retraite alors qu’il a 68 ans. Catherine Graciet, elle, comme dans cette fable de la Fontaine (Ferrette et le pot au lait) rêve déjà de sa «nouvelle» vie de millionnaire –écurie d’élevage de chevaux... Elle raconte qu’avec l’enveloppe de 40.000 euros dans ses mains, «avec tout cet argent liquide», elle était «hébétée, hagarde».
Une affaire hallucinante
Coauteurs, les voilà coinculpés. Ils n’ont pas fait du journalisme professionnel, avec ses exigences et ses règles: ils se sont distingués dans un rôle de maîtres-chanteurs. Une affaire sidérante, hallucinante qui fait la une de l’actualité depuis la fin du mois d’août 2015, en France et ailleurs.
Une mise à nu des pratiques de certains journalistes exploitant un fonds de commerce spécialisé dans l’hostilité et les attaques de toutes sortes contre le Royaume et la famille royale. Au-delà de ces deux cas d’espèce, ce sont de nombreux cercles antimarocains qui existent sous diverses latitudes, en France bien sûr, en Espagne, aux États Unis et ailleurs. Leurs “sources” locales et étrangères sont connues pour que l’on y revienne. Il y a là des officines, des réseaux informels, des financements occultes mobilisés contre le Maroc d’aujourd’hui engagé dans l’édification d’un projet de société cité en exemple par la majorité de la communauté internationale. Cette affaire met à plat tous les brûlots publiés par le passé contre le Maroc en nourrissant une forte suspicion sur les intentions de leurs auteurs: n’étaient-ils pas, d’une manière ou d’une autre, des racketteurs éconduits eux aussi?