Après s’être tiré une balle dans le pied en décidant la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe et après avoir rappelé son ambassadeur à Madrid, la folie de l’establishment algérien monte d’un cran. Mais la dernière décision de geler tout accord avec l’Espagne n’est pas passée inaperçue au niveau de l’Union européenne.
En Espagne, le gouvernement Pedro Sanchez commence à perdre un peu son sang-froid, après avoir tenté pendant plusieurs jours de donner une chance aux locataires du Palais d’El Mouradia de se rétracter, tant qu’il est encore temps. Tout en soulignant, de manière transparente et sans détours, que la junte militaire algérienne n’agit pas de son propre chef et qu’elle suit, aveuglement et à la lettre, les orientations de la Russie. «La décision de l’Algérie de suspendre un traité d’amitié avec l’Espagne le 8 juin 2022 n’est pas surprenante, car Alger s’aligne de plus en plus sur la Russie», a déclaré, lundi 13 juin 2022, la ministre espagnole de l’Économie, Nadia Calvino. «J’ai vu à l’époque que l’Algérie était de plus en plus alignée sur la Russie, donc cette décision de suspendre le traité ne m’a pas surprise», a-t-elle martelé dans un entretien accordé à Radio Catalunya. Elle n’est pas la seule à croire, dur comme fer, à cette thèse. La veille, dimanche 12 juin, le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, a confié que la Russie aurait «poussé» l’Algérie à créer une crise avec son pays.
Réaction forte de l’UE
D’après le journal espagnol El Pais, des sources du gouvernement espagnol ont confié que le gouvernement de Pedro Sánchez veut donner à l’Algérie une «dernière chance» pour vérifier si Alger a effectivement annulé sa décision d’empêcher les banques algériennes de traiter avec des entreprises espagnoles. Tout a commencé le 8 juin lorsque l’establishment algérien a décidé, unilatéralement et sans préavis, de suspendre le traité d’amitié et de bon voisinage et la coopération économique avec l’Espagne. Pire, il décide des mesures coercitives à l’encontre des banques algériennes, qui continuent de traiter avec des entreprises espagnoles tout en gelant les démarches de domiciliation bancaire pour l’import et l’export avec l’Espagne. L’establishment algérien ne sait plus à quel saint se vouer.
Après s’être tiré une balle dans le pied en décidant la fermeture, le 1er novembre 2021, du gazoduc Maghreb-Europe approvisionnant le Maroc et des pays européens (l’Espagne, le Portugal) et après avoir rappelé, le 19 mars 2022, son ambassadeur à Madrid pour consultations en réaction à la nouvelle position de l’Espagne vis-àvis du dossier du Sahara marocain, la folie des généraux algériens monte d’un cran. Mais cette dernière décision de geler tout accord avec l’Espagne n’est pas passée inaperçue au niveau des institutions de l’Union européenne. Alger ne s’attendait pas vraiment à une réaction forte de la part de l’Union européenne, qui a considéré cette “déclaration de guerre économique” contre un membre de son groupement économique et monétaire comme une attaque visant les vingt-sept composant l’Union.
Le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrell, et le vice-président de la Commission en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, ont mis en garde l’Algérie, vendredi 10 juin 2022, contre les «mesures coercitives appliquées à l’encontre» de l’Espagne. «Cela conduirait à un traitement discriminatoire d’un Etat membre de l’UE et nuirait à l’exercice des droits de l’Union au titre de l’accord», d’association avec l’Algérie, conclu en 2005, ont-ils menacé. Samedi 11 juin, le trône de l’institution militaire aux commandes du pays trinque. Le département de Ramtane Lamamra publie un communiqué où il change de ton, ne voulant pas assimiler que le signal donné par l’UE est sans équivoque: «Qui est en désaccord avec l’Espagne l’est aussi avec l’ensemble des pays de l’UE».
Un langage menaçant
Preuve de sa démagogie et de son manque de tact diplomatique, le département de Lamamra condamne «la précipitation et le parti-pris» de la Commission européenne. Il souligne que les déclarations de l’institution européenne «mettent en évidence le caractère inapproprié de leur contenu, s’agissant d’un désaccord politique avec un pays européen de nature bilatérale n’ayant aucune incidence sur les engagements de l’Algérie à l’égard de l’UE et ne nécessitant par voie de conséquence nullement le déclenchement d’une quelconque consultation européenne aux fins de réaction collective».
Sauf que les communiqués ne reflètent point la peur d’Alger d’avoir l’UE dans le dos. Le pays s’est empressé de démentir ce gel suite aux avertissements de l’Union européenne, bien que l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers en Algérie a précédemment ordonné aux directeurs des banques de geler toute démarche de domiciliation bancaire pour l’import ou l’export vers et depuis l’Espagne et prendre toutes les mesures nécessaires pour «appliquer strictement» cette mesure en vigueur depuis le 9 juin. El Pais a indiqué que les informations dont dispose le gouvernement espagnol confirment qu’«il est toujours impossible de réaliser ce type de transaction». Le journal cite également une source européenne en Algérie, ayant requis l’anonymat et qui affirme que «la circulaire est toujours valable».
«Dans la pratique, le traitement direct des factures est empêché et il n’est donc pas possible d’exporter d’Espagne vers Algérie», précise-t-elle. Mais le gouvernement espagnol ne se croise pas les bras en attendant que la décision d’Alger prenne effet. Il adopte un langage menaçant. El Pais précise que l’Espagne peut demander l’activation du mécanisme d’arbitrage prévu dans l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie de 2005. Une procédure «lente et bureaucratique» et qui «peut prendre des mois». «Le gouvernement préfère un autre type de procédures, en dehors du traité», ajoute-t-on.
Que mijote le gouvernement espagnol et quelle carte garde-t-il contre Alger? On n’en sait rien pour l’heure. Une chose est sûre, la patience de l’Exécutif espagnol semble atteindre son paroxysme. Quant à l’Algérie, par cette décision irréfléchie (caractéristique de toutes les décisions prises depuis quelques mois, elle risque de couper court à ses exportations de gaz et de pétrole vers le marché européen. Ce qui ne manquera pas d’exacerber sa crise économique et financière et sociale. Le pire que le pouvoir algérien craigne, c’est de perdre un allié politique de taille qui ferme les yeux sur la répression et la torture dont souffrent nombre de militants de l’opposition et du Hirak algérien, de journalistes...