GRIEFS. L’opposition fait feu de tout bois dans sa bataille contre Benkirane. Le chef du gouvernement est accusé d’impliquer le Roi par des déclarations fallacieuses à but électoraliste. Après une audience royale qui n’a pas eu lieu, un mémorandum a été adressé par les plaignants.
Le factuel politique national est tellement pauvre que les tentatives d’activation par ses intervenants ressemblent à des opérations de réanimation quasi clinique. Le dernier fait qui verse dans ce sens a pris la forme d’une demande d’audience de l’opposition par S.M. le Roi. L’objet de cette démarche concerne une batterie de plaintes à l’encontre du chef du gouvernement. Les formations plaignantes sont au nombre de quatre: l’USFP, l’Istiqlal, le PAM et l’UC. Lors d’une conférence de presse, tenue le 1er avril 2015, Driss Lachgar, premier secrétaire de l’USFP, a expliqué les motivations de cette sollicitation.
Mais déjà auparavant, dans un meeting à Agadir, le 14 mars, il avait publiquement appelé à l’intervention du Souverain à propos de supposés dépassements commis par Abdelilah Benkirane. La réponse est tombée le vendredi 27 mars 2015 sur une invitation de se rendre le jour même au palais royal.
Au palais royal, ce 27 mars, donc, les représentants des quatre partis ont été reçus par deux conseillers de S.M. le Roi, Fouad Ali El Himma et Abdellatif Menouni. Au menu de cette rencontre, des déclarations attribuées à Abdelilah Benkirane. Ce dernier aurait entamé une campagne électorale avant l’heure, usant de renvois fallacieux à la personne du Roi. Il aurait également évoqué le refus du Souverain de céder à des pressions occultes pour limoger le gouvernement actuel. Le même fauteur invétéré, aux yeux de ses contradicteurs, n’aurait pas cessé de se dire menacé de mort. Les deux conseillers-interlocuteurs ont évidemment pris acte des critiques et des doléances exposées qu’ils vont transmettre à qui de droit.
Critiques et doléances
Une question vient, cependant, à l’esprit: la démarche choisie par l’opposition est-elle pertinente et a-t-elle été concluante? Un début de réponse par un fait de protocole qui a toute sa signification politique; les plaignants n’ont pas été reçus par S.M. le Roi. Ce n’est pas tant la requête en elle-même qui est en question, en ce sens que le Roi est l’ultime recours pour des arbitrages dûment pesés et réfléchis. Dans ce cas d’espèce, il y a comme un vice de forme qui fausse le fond. Pour pallier une audience royale qui n’a pas eu lieu, les quatre partis de l’opposition ont adressé un mémorandum à S.M. le Roi où ils font l’inventaire de leurs griefs à l’égard de Abdelilah Benkirane. Un aspect particulier est mis en exergue. Il s’agit, disent-ils, de la volonté délibérée du chef du gouvernement et du PJD de vouloir impliquer le Souverain dans des stratagèmes dilatoires à but électoraliste. Il ferait ainsi l’amalgame entre sa fonction institutionnelle et sa chefferie partisane.
Dans ce genre de cafouillis politique, il est bon de rappeler certains principes de base. Le mécanisme démocratique est tout simple dans sa structure bipède, une majorité qui gouverne et une opposition qui s’oppose. Ladite opposition est en droit de se plaindre d’une majorité qui ne l’écoute pas assez ou pas du tout. Mais pas au point d’exiger de la majorité de lui dérouler un tapis rouge pour lui prendre sa place. Car, si la cohabitation entre majorité et opposition se déroulait sans le moindre accroc, elle serait trop gentille pour être honnête, donc suspecte.
Cafouillis politique
C’est plutôt l’inverse qui confère de la crédibilité aux institutions électives. Abdelilah Benkirane en fait peut-être trop, au goût de ses adversaires, il n’en est pas moins dans son rôle, mais à sa manière. On peut, à la limite, à partir d’une approche étroitement dogmatique, lui reproche d’exister, muni qu’il est d’une offre politique aux couleurs islamistes. On peut, également, ramener son ascension fulgurante à une conjoncture d’exception et à la conjonction de facteurs favorables, en marge des sentiers convenus de la vie politique nationale. Mais difficile de lui en vouloir de s’accrocher au pouvoir, même si celui-ci semble tomber du ciel, à son propre étonnement, peut-être.
La faille est donc à chercher du côté de l’opposition. À vrai dire, l’opposition charrie un déficit intrinsèque quant au contenu de son discours et l’agencement de ses composants. Elle n’est pas perçue comme une entité homogène et cohérente. Du coup, son message est très peu lisible. Quoi qu’il en soit, ces entournures politiciennes, pas plus que des “chikayats” sous forme de mémorandum, ne peuvent faire fonction de programme de substitution. C’est, précisément, ce qu’on n’a pas vu jusqu’à présent; ce qui manque le plus; et, il faut bien le dire, ce qui n’est pas facile à concevoir, vu la composition même d’une opposition difficile à cerner. À y voir de près, même d’un oeil non averti, l’alternative à Benkirane n’est pas pour demain la veille.