Par Mustapha Sehimi
Le nouveau Chef du gouvernement peine quelque peu à se faire une place particulière dans le champ politique et médiatique.
Où en est-il? Où va-t-il? Et que peut-il au final? Le cabinet Saâd Eddine El Othmani, investi le 26 avril 2017, n’échappe pas à ces interrogations. Il y a bien le programme présenté devant les deux Chambres du parlement qui a d’ailleurs fait l’objet de fortes réserves même du côté des composantes de la majorité.
Mais, dans le détail, du point de vue du citoyen, quel est –ou peut être– l’état d’esprit? Pour commencer, peut-on éviter ce premier constat: ce gouvernement n’a pas une voix, une voix forte qui porte et qui relative toutes les autres; bref, une “voix” comme celle du chef de l’Exécutif sortant, dirigé par Abdelilah Benkirane qui en faisait même trop –pour certains au moins– dans ce registre. Il ne s’agit pas de répliquer le style ni la communication de ce dirigeant du PJD mais de s’employer à tout le moins à se faire entendre par tout le monde. Le nouveau Chef du gouvernement peine quelque peu à se faire une place particulière dans le champ politique et médiatique. Par tempérament sans doute.
Par suite de l’équation politique mise sur pied et qui le contraint, d’une manière ou d’une autre, à en gérer les termes de référence. Enfin, c’est qu’il est fragilisé –dans son parti surtout– et que, en creux, il donne le sentiment d’avoir cédé sur des positions considérées comme non négociables par Benkirane; un compromis jugé comme une compromission éloignée du sens et de la portée de la volonté des électeurs exprimée lors du scrutin législatif du 7 octobre 2017. Faut-il minorer, dans cette même ligne, ce paramètre: a-t-il la maîtrise des dossiers, des chantiers et des réformes? Va-t-il fixer le temps et pouvoir imprimer sa marque et sa méthode?
En tout cas, pour l’heure, l’interrogation subsiste. Il avait été prévu une grosse opération de “com”, le 4 mai, pour annoncer l’agenda de travail pour les 100 jours à venir. Il n’en a rien été. Le débat sur le projet de loi de finances a-t-il relégué cela à une autre date? Et puis, après tout, ce gouvernement sait-il ce qu’il va faire dans les semaines et les mois à venir? On voudrait le croire. Mais le cafouillage autour de la décompensation du gaz butane en particulier laisse perplexe à cet égard. Le coup de marteau sur la tête reçu avec le rapport de la Banque mondiale présenté officiellement lundi 15 mai, à Rabat, nourrit une forte interpellation sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à entreprendre. Une forme de censure, qu’on le veuille ou non, du bilan du précédent cabinet où les mêmes poids lourds se trouvaient représentant leurs partis respectifs (PJD, RNI, PPS), exception faite de deux nouveaux venus (USFP, UC). Par ailleurs, ce qui se passe à Al Hoceima témoigne-t-il d’une bonne gouvernance? Au final, le gouvernement se met en place avec tous ces handicaps accentués par un palier de crise de six mois. Il pourra gagner en visibilité et même en crédibilité s’il accélère le rythme des réformes en les mettant en perspective dans le cadre d’objectifs précis et cohérents. En un mot, bénéficier de la confiance –et celle-ci ne se décrète pas...
Quelles pistes peuvent générer ce capital? En premier lieu, du côté des partenaires économiques et sociaux, instaurer et même institutionnaliser un dialogue, un vrai dialogue, une formule tournant le dos à la méthodologie du précédent cabinet. En second lieu, définir des priorités sur la base d’une hiérarchie et d’un agenda. Qu’il prenne exemple sur le nouveau gouvernement français qui sait, aujourd’hui, quel sera son calendrier de travail jusqu’au mois d’octobre prochain, avec le détail des textes à édicter et les mesures à prendre! Enfin, qu’il explique mieux ce qu’il veut faire, comment et pour quels objectifs. En somme une nouvelle gouvernance avec pour exigence partagée la cohérence, l’homogénéité et l’efficience. Ne nous a-t-on pas promis une “majorité forte”?
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