Par ces temps de pandémie de Covid-19 et face à des équilibres macro-économiques de plus en plus fragiles, la discipline budgétaire s’avère bien impuissante face à toutes ces contraintes économiques et sociales qui attendent le Royaume dans le futur proche.
En présentant le cadre général de préparation du projet de loi de Finances pour l’année 2022 devant le Conseil de gouvernement le mardi 17 juillet 2021, le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun s’est montré trop optimiste quant aux perspectives de croissance de l’économie nationale non seulement pour l’année en cours mais aussi pour 2022.
Et pour cause, car il n’a pas manqué lui-même de rappeler, dans son exposé que ces perspectives de croissance au cours du deuxième semestre de cette année restent entourées de risques liés à l’évolution de la situation épidémiologique avec l’émergence du variant Delta.
Une situation qui n’est que le prolongement naturel de la crise économique et sociale provoquée par les mesures visant à endiguer la pandémie. Mesures, certes louables, venues en soutien aux personnes en difficulté et surtout pour relancer des secteurs impactés négativement par la crise sanitaire. Secteurs, comme le tourisme et les transports, qui ont du mal à reprendre leur dynamisme durant la période ante-Covid-19.
M. Benchaâboun reste, néanmoins, optimiste en tablant, non sans risques, sur les perspectives d’amélioration de la demande étrangère adressée à certains secteurs prometteurs à l’export, comme le phosphate et ses dérivés, l’automobile, l’électronique ou le textile.
En renforcement de cet optimisme viennent les perspectives encourageantes du secteur touristique, suite, dit-il dans son exposé en Conseil de gouvernement, à l’ouverture progressive aériennes des frontières et l’amorce d’un début de retour au pays des RME, ainsi que l’allègement des mesures restrictives quant à l’entrée au Maroc.
M. Benchaâboun table aussi sur les conditions de financement de l’économie nationale (Baisse du déficit de la liquidité bancaire, maîtrise du taux d’inflation et une certaine reprise des retours à l’emploi…), la hausse des IDE et le niveau confortable des réserves de devises (couverture à plus de sept mois des importations de biens et services) et ce, dit-il, malgré une conjoncture difficile.
Le tout dans le cadre d’un projet de loi de finances 2021 réalisé à plus de 50%. Mais en oubliant d’indiquer, au passif de cette PLF 21, l’accentuation du déficit budgétaire de 505 millions de dirhams entre l’exercice 2020 et celui de 2021.
Optimisme renforcé
Tout à fait confiant, grâce à ces résultats du PLF 21, le premier argentier du Royaume poursuit son exposé en présentant les défis qui attendent le gouvernement en 2022 et qui se présentent, notamment, sous forme d’augmentation des dépenses affectées aux fonctionnaires, des dépenses de la caisse de compensation, des dépenses suite à la généralisation de la protection sociale, des dépenses de santé et d’éducation et celles relatives à la consolidation des grands projets en cours de réalisation.
Soit, autant de défis qui nécessitent, dit-il, de «retrouver les équilibres nécessaires entre les déclinaisons prioritaires et les contraintes budgétaires qui affectent négativement l’équilibre structurel des finances publiques».
Retrouver ces équilibres, notamment, dans les perspectives prioritaires du PLF 22, passe plus que jamais, nous dit M. Benchaâboun, aussi bien par la bonne maîtrise des dépenses de fonctionnement de l’administration (sous le signe de la bonne gouvernance) que par le lancement d’une réforme progressive de la caisse de compensation en relation avec les exigences de la loi-cadre sur la protection sociale.
Mais là où le bât blesse c’est que la hausse des recettes fiscales ne sera pas au rendez-vous pour face à des dépenses de plus en plus incompressibles. Ce qui ne laisse d’autre issue à la politique fiscale de se traduire par une augmentation des impôts.
Pas de quoi pavoiser et surtout alléger le fardeau des contribuables qui ont tout le mal à retrouver de l’emploi et surtout à maintenir un pouvoir d’achat en perte de vitesse. Ce n’est pas avec un tel projet de loi de finances 2022 que l’on jettera les premières pierres d’une société plus solidaire qui reste à construire selon les recommandations de la Commission du Nouveau Développement. Ce dont le Royaume a réellement besoin c’est d’un investissement durable et constant aussi bien dans l’économie verte et numérique que dans le capital humain, cette richesse de toutes les richesses.