L’auteur s’est investi depuis plus de trois décennies dans ce domaine avec une thèse de doctorat sur La Police administrative dans le système juridique marocain
La REMALD (Revue marocaine d’administration locale et de développement) vient de publier, dans sa collection Manuels et Travaux Universitaires, le volume 3 d’un nouvel ouvrage de Mohamed Amine Benabdallah: Contribution à la doctrine du droit administratif marocain*. A un premier niveau d’analyse, il est vrai que le domaine du droit administratif s’articule surtout autour de multiples textes, les uns législatifs, les autres réglementaires; pas de quoi laisser beaucoup de marge d’appréciation au juge; mais, de fait, à un autre niveau, cette appréciation doit être tempérée.
Pourquoi? Parce le droit administratif accorde de plus en plus un champ à son caractère jurisprudentiel. Pour l’auteur, il faut prendre en compte non plus seulement «le facteur quantitatif, mais qualitatif et structurel de la matière».
Référence est faite ici à ce paramètre: celui de l’origine des règles. Et de citer à cet égard des notions de principe, partie intégrante du corpus de la jurisprudence, telles l’intérêt général, l’intérêt du service ou l’ordre public. Assurément, l’on a affaire à des principes fondamentaux établis et consacrés non pas par des textes ou des coutumes mais «à partir de règles que le juge a dû dégager lors d’un litige qui lui était soumis et sur lequel la loi ne disait encore rien».
Règles de droit
En droit administratif, a été ainsi capitalisé un socle de multiples apports du juge couvrant, par exemple, plusieurs domaines: les attributions du Chef du gouvernement en matière de police générale, les théories de l’acte administratif, la décision exécutoire, la responsabilité des contrats, la voie de fait, etc. Autant de constructions jurisprudentielles. L’on peut y ajouter, aujourd’hui, les théories du fait du prince, de l’imprévision et de la force majeure; les principes généraux du droit, dont ceux de la défense, de la liberté de commerce et d’industrie, de l’égalité devant les services publics.
Qu’en est-il au Maroc? L’on pourrait penser que la Constitution de 2011, qui est venue consacrer tout un bloc de principes, de droits et de libertés, réduit le champ de la législation et de la réglementation applicables à l’activité de l’administration.
Et que, partant, le droit administratif marocain n’est que relativement et modestement jurisprudentiel. Mais cette approche ne résiste pas vraiment à l’examen. C’est qu’en effet, alors même que la première Constitution du Royaume n’avait pas encore été adoptée en décembre 1962 que l’a a vu la Cour suprême entériner un certain nombre de principes et de règles de droit (principes généraux du droit, non-rétractivité des décisions administratives, autorité de la chose jugée, droits de la défense), autant de décisions prises en six mois, de juillet à décembre 1959.
Pour autant, la juridiction administrative a eu à se prononcer à ce sujet (tribunal administratif de Rabat, 7 février 2007. Laklidi, REMALD n°70, 2006, p.65 et s.). Cette juridiction rappelle qu’elle a un «rôle de création de normes juridiques lorsque le domaine législatif souffre d’une absence de législation»; qu’elle est tenue d’édicter des normes et des critères de nature à garantir ce droit, mais aussi «l’absence de son usage abusif pour la bonne marche du service public de manière continue»; et que le juge administratif a «compétence de créer l’équilibre entre le principe de continuité du service public et le droit d’exercice de la liberté».
Au total, il faut souligner le rôle normatif du juge administratif marocain. Les textes ne manquent pas qui régissent l’action administrative et ses multiples domaines de déploiement et de mise en oeuvre. Mais il y a leur application. Leur interprétation...