L’approche marocaine consistant à laisser le peuple de la Libye décider lui-même du sort de son pays s’avère finalement la plus pertinente. Ce que n’a pas manqué de rappeler le ministre des Affaires étrangères aux pays réunis en France pour parler du pays maghrébin.
Nasser Bourita ne pouvait pas rater l’occasion. Représentant le Maroc à la Conférence de Paris sur la Libye, que la capitale française a accueillie le 12 novembre 2021, le ministre des Affaires étrangères en a profité pour distiller les messages du Royaume à qui de droit. Et notamment son regret du fait que la Libye soit pour certains un “fonds de commerce diplomatique” ou “une arène de lutte par procuration”.
“Le seul parti que chacun doit prendre est celui d’accompagner la Libye unie -sans hérauts et sans intrusions- pour asseoir les conditions d’une paix durable, y compris par la démilitarisation, le départ des mercenaires étrangers et la réinsertion des miliciens locaux; accompagner la Libye sur le chemin de la consolidation de la paix et du raffermissement des institutions de l’État de droit; et aider la Libye à se reconstruire, grâce à ses ressources propres et à la faveur d’investissements gérés par les Libyens euxmêmes,” a plaidé M. Bourita.
Principaux belligérants
Il faut dire que ces dernières années, la partie marocaine a eu une série de différends avec plusieurs pays qui ont voulu sortir du cadre des accords de Skhirat, signés le 17 décembre 2015 dans la ville du même nom, au Maroc, par les belligérants libyens, et imposer à la Libye une voie de sortie qui n’est pas celle de son peuple: l’Algérie, bien sûr, et sa soi-disant solution des pays voisins; mais aussi les Émirats arabes unis, avec qui M. Bourita avait reconnu fin mars 2019 des “désaccords” en raison de leur soutien à la guérilla de l’autoproclamé maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef de l’armée nationale libyenne, contre le gouvernement Fayez el-Sarraj en raison des accointances de ce dernier avec les Frères musulmans; ainsi que l’Allemagne, qui avait exclu le Royaume de la conférence qu’elle avait organisée fin janvier 2020 dans sa capitale, Berlin, et avait alors été accusée par Rabat “de promotion de ses intérêts nationaux”.
On peut deviner que pour le Maroc, un certain agacement peut sans doute découler d’un manque de considération envers ses efforts de facilitation du dialogue interlibyen, mais c’est bel et bien son approche qui, au final, semble aujourd’hui le plus porter ses fruits. A la Conférence de Paris, M. Bourita a d’ailleurs rappelé que le round de dialogue tenu début octobre 2020 dans la ville de Bouznika avait permis au Haut Conseil d’État et à la Chambre des représentants libyens, qui sont les deux principaux belligérants, de se mettre d’accord sur les critères et les mécanismes pour occuper les postes de souveraineté. Et que c’est dans le cadre de la même dynamique qu’une élection présidentielle a fini par être décidée pour le 24 décembre 2021.
A noter que celle-ci devrait connaître la participation de Saïf al-Islam Kadhafi, fils du dictateur déchu Mouammar Kadhafi, que ses opposants avaient tué au cours de la révolution qui avait fait chuter son régime en 2011 et qui est à l’origine de l’instabilité qui continue encore de marquer la Libye. Son seul adversaire déclaré est, pour l’heure, M. Haftar, qui, après l’échec de ses tentatives de prise, en 2019 et 2020, de la capitale libyenne, Tripoli, souhaite désormais prendre le pouvoir par les urnes.