Le leurre de Guerguerat

Mustapha Sehimi

Le plan a été préparé par le  DRS, service-clé de l’appareil  sécuritaire algérien:  mettre sur pied, à la frontière  méridionale du Royaume,  une apparence d’État séparatiste.  Comment? Tout d’abord, en poussant  la Mauritanie à fermer les yeux  et plus encore à faciliter les choses.  C’est acquis du côté de Nouakchott,  où l’actuel président, Mohamed Ould  Abdelaziz, s’est départi de la neutralité  traditionnelle de son pays pour se ranger,  suivant des modalités variables,  aux positions d’Alger et de ses obligés  séparatistes. Ensuite, en instrumentalisant  les travaux de voirie et d’aménagement  d’une route de près de 4 km  entrepris par le Maroc depuis le mois  d’août 2016. Le chantier a pris fin le 8  septembre. Il a été dicté par des exigences  d’assainissement et de sécurisation  d’une zone de tous les trafics  –elle était appelée “Kandahar”– où les  éléments séparatistes n’étaient pas les  moins actifs.

Le Polisario a réagi en dépêchant  sur place une centaine d’éléments  armés –avec des mitrailleuses et des  roquettes. Il a aussi dénoncé la “violation”  du cessez-le-feu de 1991 et  menacé de reprendre les hostilités.  Personne n’a été dupe à propos de ses  vociférations. Malgré tout, la Minurso a  fait une enquête sur place et le Conseil  de sécurité n’a pas donné suite à ces  déclarations fallacieuses et mensongères.  Le Maroc, sur sa terre, n’a-t-il  pas le droit légitime d’aménager un  tronçon de route?

Mais le Polisario ne s’arrête pas là. Le  voilà en effet qui franchit un nouveau  pas. Il installe en effet aux environs de  Guerguerat des postes fixes, bâtis en  dur, de contrôle de passeports et de  douanes. Il entend, ainsi, se doter en  apparence d’une prétendue souveraineté  d’un “État”. Un “no man’s land”  de quelque sept kilomètres alors que  la zone est démilitarisée sous la surveillance  et le contrôle de la Minurso,  en application de l’accord de cessezle-  feu du 6 septembre 1991. Que fait  aujourd’hui cette mission onusienne de  maintien de la paix? Comment expliquer  sa passivité, pour ne pas dire sa  démission, alors qu’elle est installée à  mi-chemin entre des unités des F.A.R  et celles des séparatistes, éloignées  les unes des autres d’une centaine de  mètres seulement?

Qui viole le cessez-le-feu? Il faut préciser  ici l’implication opérationnelle  algérienne. A la mi-octobre, les F.A.R  ont arrêté, sans tirer un seul coup de  feu, des dizaines d’infiltrés séparatistes  dans cette zone ainsi que sept  officiers algériens, dont un haut gradé.  Une information passée sous silence  par la presse d’Alger...

Enfin, il faut ajouter que le même plan  du pays voisin prévoyait la délocalisation  d’une partie des réfugiés de  Tindouf à la ville de Lagouira, de souveraineté  marocaine mais administrée  par Nouakchott depuis 1975 en témoignage  de bonne volonté des autorités  de Rabat.

Cette localité et la région de Guerguerat  sont actuellement les deux points  de focalisation des séparatistes. Ceuxci  s’échinent à tenter de mettre à profit  une conjoncture particulière marquée  par plusieurs faits: le départ de Ban  Ki-moon, dont le successeur, Antonio  Guterres, va prendre ses fonctions  le 1er janvier 2017; le changement de  l’administration américaine depuis le 8  novembre et l’installation officielle du  nouveau président Trump, le 20 janvier  prochain; enfin le processus d’admission  du Maroc à l’UA dans la perspective  du Sommet de cette organisation  panafricaine, à la fin janvier, à Addis  Abeba.

Le calcul qui est fait à cet égard,  c’est que ni les États Unis ni l’ONU ne  peuvent prendre en mains le dossier du  Sahara marocain en cas d’escalade et  de montée des périls. De plus, Alger et  les séparatistes estiment que le Maroc  ne pourra que faire montre de “retenue”  face à cette situation. Une évaluation  erronée puisque des mouvements  de troupes des F.A.R ont été signalés  dans cette région et que le Maroc ne  reculera pas s’il considère que ses  intérêts supérieurs sont menacés.

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