
Jeudi 25 février 2016, le Conseil de gouvernement présidé par Abdelilah Benkirane a annoncé la suspension des relations avec l’Union européenne. Le communiqué officiel publié à cette occasion explique les raisons de cette décision: le refus catégorique du jugement de la Cour de justice européenne du 10 décembre 2015 relatif à l’accord agricole de 2012; la nature politique de cet arrêt; l’absence de transparence dans la gestion et le pourvoi en appel du fait de certains services de l’Union européenne. Pour résumer, ce qui est en cause, c’est non seulement la manière cavalière qui a été utilisée mais aussi l’opacité qui l’a entourée. Ce qui nous interpelle, il faut bien le dire pour commencer, c’est la cohérence de la politique de Bruxelles.
Le Maroc a pris bonne note de la décision d’interjeter appel, le 14 décembre une décision unanime du Conseil de l’UE. Or c’est dans la finalisation des moyens de droit de cette requête que le Maroc est fondé à se demander quelle est réellement la partie qui est jouée par ce partenaire. Notre diplomatie s’est en effet rendu compte que, contrairement aux promesses tenues, les autorités européennes ne se sont pas distinguées par beaucoup de transparence ni d’un esprit de dialogue. Des démarches ont été entreprises, des documents ont été sollicités, sans résultat. Si bien que le Maroc ignore à ce jour le contenu du mémoire à l’appui de l’appel.
Pareille situation est-elle acceptable? Personne ne peut le soutenir. Le discours tenu à cette occasion par les responsables européens sur l’écoute, le partage, la solidarité et le respect mutuel est-il recevable? Leur insistance sur la nature, la qualité et la dimension du partenariat durable -et même d’exception!... scellé avec le Royaume ne relève-t-il pas de la rhétorique convenue? L’UE devrait concentrer ses efforts pour assurer un meilleur fonctionnement de sa justice et ne pas permettre qu’une chambre de sa cour de justice porte atteinte à la souveraineté d’un pays. Celle-ci n’a pas respecté ses attributions et elle a déclaré recevable, dans son arrêt du 10 décembre 2015, la procédure engagée par le mouvement séparatiste, lui reconnaissant par là même la qualité de personne morale habilitée à ester devant elle.
Dans cette même ligne, cette juridiction est allée jusqu’à s’immiscer dans les conditions d’application de l’accord agricole de 2012 en prononçant son annulation du fait que l’UE n’avait pas veillé à en vérifier les conditions d’exploitation et de valorisation des ressources naturelles dans les provinces sahariennes récupérées. Une bonne administration de la justice aurait commandé en effet une seule réponse: celle de l’incompétence de la juridiction européenne en raison des moyens soulevés par le demandeur qui, au surplus, n’a pas la personnalité juridique pour la saisir.
Comment en sortir? Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour la politique extérieure et la sécurité commune, se veut rassurante. De nombreux pays ont pris position dans ce sens en appelant à une reprise du dialogue avec Rabat. Le Maroc, pour sa part, n’a pas eu d’autre choix que d’opter pour une diplomatie de crise, la seule qui soit opératoire dans une telle situation. Il est attaché à la solidité juridique des accords conclus avec l’UE; il est confiant en la capacité des instances compétentes de celle-ci à faire prévaloir les règles de droit en la matière. Mais dans le respect de sa souveraineté, il attend que l’UE prenne les mesures internes adéquates et trouve une solution définitive à cette procédure