Les Territoires de l'écriture

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Le courage de s’engager


RÉFLEXION. Vingttrois  textes choisis  pour trois thématiques:  “Les intellectuels au  défi de la politique”,  “L’engagement en  question” et “L’écriture  en résistance”.

La pensée passe par différentes  formes d’expression  artistique; parmi lesquelles,  et pas des moindres, l’art  d’écrire. Encore faut-il que l’écriture  se penche sur elle-même, sur la  variété de ses genres tels qu’ils se  déclinent à travers la nature du  sujet et les espaces d’intervention.  En somme, ce qu’“écrire veut dire”,  dans quel registre, à partir de quel  lieu et pour quelle destination. Ce  sont, en gros, les questions auxquelles  tente de répondre Les Territoires  de l’écriture, un ouvrage  collectif publié par l’Université internationale  de Rabat.

Trois thématiques sont préalablement  définies: “Les intellectuels  au défi de la politique”, “L’engagement  en question” et “L’écriture en  résistance”. Sur les vingt-trois textes  proposés, Mustapha Sehimi apporte  sa contribution au deuxième thème,  sous le titre de “Retour sur l’écriture  politique”. Il a évité d’intervenir par  une réflexion théorique et généralisée  sur l’acte d’écrire et sa palette  de significations. Préférant procéder  par une lecture personnelle, synthétisante  et évaluative de six auteurs,  deux étrangers et quatre marocains,  qui ont marqué la deuxième moitié du siècle dernier: Albert Camus,  Raymond Aron, Abdelkbir Khatibi,  Abdallah Laroui, Ahmed Reda Guedira,  Moulay Ahmed Alaoui.  M. Sehimi avertit d’emblée que  le choix de ces auteurs et figures  emblématiques est forcément subjectif.  Il va sans dire qu’il en va de  même pour le lecteur et son jugement.

Le “syndrome du Méchouar”
Arrêtons-nous sur la paire marocaine.  Bien qu’il a toujours été  affublé d’une étiquette de gauche,  Abdelkbir Khatibi serait, en fait,  inclassable, parce que réfractaire  aux dogmes qui président aux classifications,  quelles qu’elles soient.  Ce qui n’a pas empêché M. Khatibi  de rejeter le modèle occidental et  son arrogance dominatrice. Il ne  “Les Territoires de l’écriture”, ouvrage collectif publié par l’Université internationale de Rabat  Le courage de s’engager  croit pas non plus à la primauté de la  politique dans le processus du changement  social; privilégiant le facteur  culturel comme vecteur d’évolution  pouvant rapprocher tradition et  modernité.  Pour M. Sehimi, M. Khatibi est un  réformateur «qui se veut une vigie  récusant l’ordre en place, tout en  étant constamment tourné vers un  horizon encore brumeux». L’oeuvre  de M. Khatibi, esthète de la langue  de Molière, se caractérise aussi par  un usage maîtrisé de la métaphore  et d’imageries narratives qui se  prêtent à différents niveaux de lecture.

Traitant de Abdallah Laroui, M.  Sehimi est beaucoup moins nuancé.  Pour lui, l’historien marocain de  renom international serait marqué  par le “syndrome du Méchouar”.  Toute l’approche et toute la réflexion  de M. Laroui sur l’État marocain,  dans son historicité nationale et  régionale, ne serait, en fait, que la  fascination qu’il éprouve pour la personne  du roi Hassan II. D’où la confusion  qu’il fait, estime M. Sehimi,  entre Makhzen et État. Cela reste un  point de vue qui sera certainement  sujet à débat et à controverse.
Pour ce qui est de Ahmed Reda Guedira  et Ahmed Alaoui, ils ont effectivement  été des hommes politiques  actifs, à leur manière. Le premier, en  particulier, a fortement et durablement,  pesé sur la carte politique du  pays et pas vraiment dans un sens  de clarification et de progrès. Le problème,  pour ce choix précisément,  c’est que ces personnes ont plus suscité  les réactions écrites des autres  qu’ils n’ont eux-mêmes écrit.

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