
Après l’âge d’or, le déclin
Enseignement. Fondées en 1947 par le célèbre résistant Othmane Joryo, et réputées être un bastion de la lutte contre le protectorat français, les écoles Mohamed V de Rabat sont tombées dans les oubliettes.
En franchissant Bab Challah, le célèbre portail de l’ancienne médina de Rabat, les passants se trouvent, sans en être conscients certainement, tout près d’un monument de grande valeur historique. Sur le flanc gauche de cet espace usurpé par les marchands ambulants et les Feracha, se dresse, fièrement, l’imposant édifice des écoles Mohamed V malgré ses 60 ans. La porte principale de l’établissement, artisanalement façonnée, garde encore des traces d’un passé glorieux. Mais à l’intérieur, le goût amer du présent prend rapidement le dessus. Les écoles Mohamed V vivent une situation tristement particulière. S’étalant sur une large superficie, elles ont été prises d’assaut par des “colonisateurs” de tous genres.
Jusqu’au début 2014, une espace situé entre les terrains de football et l’une des portes de l’établissement, servait, illicitement, de parking. Un gardien y recevait même des indemnités sans être inquiété. Si l’actuel directeur du lycée, El Mahjoubi Madani, nommé il y a moins de deux ans, a pu mettre fin à cette infraction, il n’en demeure pas moins que d’autres sévissent encore.
Mythique institution
Dans un coin de l’établissement, tout près d’une autre porte, un homme a tranquillement bâti une baraque de fortune où il séjourne en violation totale de la loi. Pire encore, il a fait de cet espace une étable pour ses quelques moutons et poules. Il n’hésite pas à se servir d’une partie de la résidence du directeur, d’une salle de cours et des sanitaires du lycée. L’occupant prétend avoir reçu le feu vert du défunt fondateur de l’école pour exploiter l’espace. Une mythique institution de savoir située au coeur de la capitale, réduite à une vulgaire basse-cour. La déchéance absolue!
«Nous avons sollicité la justice pour expulser cet intrus, et nous avons obtenu gain de cause, mais il profite peut-être de son poste au tribunal pour entraver la procédure», nous explique le directeur du lycée, qui compte quand même revenir à la charge pour rétablir l’ordre dans son établissement.
Branches scientifiques
Et pour enfoncer le clou, la délégation de l’enseignement de Rabat a cédé une partie du lycée au collège Attawhid, actuellement en réparation, alors qu’une association a choisi de s’installer dans une autre partie de l’établissement.
A cela s’ajoute le problème des vendeurs qui perturbent les cours avec leurs cris. Certains parmi eux se réfugient même dans l’enceinte du lycée, pour éviter les patrouilles des éléments des Forces auxiliaires.
Réservées aux filières d’études originelles depuis leur création, les écoles Mohamed V accueillent depuis 2008 des branches scientifiques également. Néanmoins, il reste l’unique établissement de la région de Rabat abritant les branches islamiques.
Avec une capacité de 30 salles, les écoles Mohamed V comptent actuellement 512 élèves, dont 283 filles, ainsi que 34 enseignants et 14 cadres administratifs. A noter aussi que l’enseignement primaire et collégial n’est plus assuré dans cet établissement depuis 2010.
Établissement prestigieux
Fragilisées par les aléas du temps et de leur environnement, les écoles Mohamed V possèdent un passé glorieux. Il suffit de rappeler que leur fondateur et premier directeur, Haj Othman Jorio, avait été nommé par Dahir par feu Mohamed V. Par ailleurs, Hatim Loukili, Secrétaire général de l’Association des lauréats des écoles Mohamed V, créée le 31 mai 2014, nous révèle que plusieurs personnalités sont passées par cet établissement. Pour la petite histoire, Mustapha Ouali Sayid, fondateur du front séparatiste Polisario, en était une. Ahmed Biaz, ancien patron de l’ONDA (Office national des aéroports), ainsi qu’un grand nombre d’avocats et de magistrats, sont passés par les tables de cet établissement prestigieux.
Cette association cherche d’ailleurs à venir en aide à l’établissement, en organisant quelques activités en faveur des élèves actuels. Une salle baptisée “Haj Othamne Jorio” à l’initiative de l’association, a abrité en mars 2015 une conférence sur la question du Sahara marocain.
Mais, sans un engagement sérieux des parties concernées, notamment l’académie régionale de l’enseignement et les autorités locales, les célèbres écoles Mohamed V continueront de sombrer et perdront le peu d’éclat d’antan qui leur reste.