A peine le mois de ramadan achevé, la saison des mariages démarre avec son lot de joie et de tracas. Période de festivités par excellence, l’été connaît généralement un rush au niveau de l’organisation de cérémonies qui ne s’improvisent pas. Mais en dehors de ce moment privilégié de l’année, ces unions sacrées ne s’étalent pas de la même manière sur le calendrier de l’année. Et pour cause. Aussi bien les hommes que les femmes se marient de moins en moins et de plus en plus tard. Par choix ou par obligation, nombreux sont ceux et celles qui continuent leurs chemins seuls, en attendant des jours meilleurs.
Mais qu’est-ce qui cloche pour que ces personnes ne trouvent pas chaussure à leur pied? Pour Mustapha Abou Malek, un sociologue qui s’intéresse particulièrement aux thématiques du mariage et du célibat au Maroc, les causes du retard du mariage sont à expliquer d’un point de vu démographique, sociologique et psychologique. «Les raisons économiques (pauvreté, chômage..) relèvent du démographique. Pour ce qui est du sociologique, le mariage est le résultat de mutations sociales. Il ne peut donc échapper aux changements que subit la société. Quant au facteur psychologique, il est déterminé par l’évolution des mentalités et de la philosophie de la vie, qui ont fait que les gens ont changé leur manière de voir les choses».
Selon l’analyse de notre sociologue, le mariage reste un voeu pieux même pour les personnes qui le fuient. Ils sont loin de le diaboliser. Au contraire, ils le vénèrent mais n’ont pas les moyens d’y accéder. C’est notamment le cas de Nabila, 30 ans, esthéticienne à Casablanca, qui désespère de ne pas pouvoir se marier. «Je suis mal dans ma peau. Je vois la vie en noir à cause de cette épreuve. Je me trouve moche et stupide et ne supporte plus d’être seule», se lamente Nabila.
Je t’aime moi non plus
Contrairement à Nabila, Ilham, qui travaille dans une agence de voyages à Marrakech prend son mal en patience. Cette jeune femme de 38 ans a tout pour plaire et pourtant elle peine à trouver son âme soeur. «Dans mon milieu professionnel et personnel, j’ai eu l’occasion de connaître des hommes qui m’ont proposé le mariage. Mais j’avais toujours mieux à faire. Je ne voyais pas le temps passer. Et plus le temps passait, plus mon exigence montait d’un cran. Je me disais que je n’avais pas attendu tout ce temps pour accepter le premier venu. J’avais tellement peur d’être malheureuse en mariage. Aujourd’hui, à 38 ans, je n’arrive pas à baisser ma garde et à être plus maniable», affirme Ilham. Ilham fait partie de ces femmes qui estiment que les vrais hommes sont en voie de disparition. «Les hommes comme nos pères, il n’en existe plus», renchérie-t-elle. C’est dire que la nouvelle génération d’hommes ne fait pas l’unanimité auprès de la gent féminine. A cette accusation, les hommes leur rendent la pareille en reprochant aux femmes d’avoir perdu leur féminité, à force de trop vouloir être leurs égales. «Il y a un problème de communication entre les hommes et les femmes, explique Mustapha Abou Malek. Les célibataires gèrent difficilement la relation entre eux. Chacun renvoie la responsabilité à l’autre».
Crise de confiance
Dans ce climat tendu, la peur de s’engager augmente de part et d’autre. Les hommes craignant ne pas pouvoir subvenir aux besoins du foyer et les femmes appréhendant d’être maltraitées. En attendant, l’un comme l’autre subissent la pression de la famille et de la société.
Dès que le fils ou la fille frolent la trentaine et qu’ils sont toujours seuls, les parents sont là pour les rappeler à l’ordre en leur soulignant qu’à leur âge, eux, ils avaient déjà un foyer et des enfants. Et pour les avoir par les sentiments, ils formulent le voeu de voir leurs petits-enfants avant de quitter ce monde. Une tactique qui fait mouche. Encore plus que les hommes, les femmes sont victimes de cette “oppression” exercée par les séniors de la famille.
L’horloge tourne et la ménopause les guette. Au-delà de 35 ans, voyant les cheveux blancs et les rides apparaître, la femme prend conscience de l’urgence de trouver un partenaire avec qui faire un bon bout de chemin et surtout des enfants. Entre les études qui sont de plus en plus longues et l’accès retardé au travail et le désir d’autonomie financière, la femme n’a pas le temps de se chercher un mari.
Par ailleurs, comme l’explique la sociologue Fatiha Idrissi, l’accès massif des femmes à la scolarité et au marché du travail a entraîné une redéfinition du rôle des deux sexes et l’apparition de nouvelles relations, valeurs et identités qui ont contribué à un relatif relâchement des institutions traditionnelles sous le poids de l’individualisme.