ENTRETIEN. Journaliste de presse écrite, de télévision et expert en communication, Paul Daudin Clavaud réside en France et au Maroc, où il anime de nombreuses formations. Avec “Les Escapés” (Editions Alan Sutton), il signe son deuxième roman. Il y met en parallèle deux événements particulièrement dramatiques du début du XXe siècle qui se sont déroulés dans le nord de la France. Son écriture s’inspire de l’Histoire et de ses nombreux voyages.
Maroc hebdo: Pourquoi avoir choisi d’écrire un roman historique et pourquoi l’avoir situé dans la Première Guerre mondiale (1917) plus précisément?
Paul Daudin Clavaud: Mon roman concerne deux faits historiques: d’une part, la catastrophe minière de Courrières (Nord-Pas de-Calais) en mars 1906; et la grande offensive canadienne de la crête de Vimy, dans cette même région, en avril 1917. L’histoire est celle d’un médecin canadien d’origine française qui a émigré onze ans plus tôt et qui se perd dans les lignes allemandes à la veille de cette bataille. Il se retrouve face à un tireur ennemi embusqué qui est blessé à la suite d’une attaque au gaz. Les deux hommes se reconnaissent car ils ont participé en 1906 aux secours aux mineurs à la suite de la catastrophe. Ils étaient amis mais aussi rivaux car amoureux de la même femme dont le mari avait disparu au fond de la mine.
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ces deux faits?
Paul Daudin Clavaud: Je les ai découverts alors que je travaillais comme journaliste dans cette région. L’explosion de Courrières est sans doute la première catastrophe industrielle largement médiatisée. J’y suis sensible en tant qu’expert en communication de crise. Les médias se précipitent sur place et découvrent l’horreur absolue. Une large mobilisation s’organise parmi les mineurs de France mais aussi de Belgique et d’Allemagne. Pourtant, ce dernier pays est, en 1906, en conflit avec la France sur la question de la souveraineté du Maroc. Quant à la Première Guerre mondiale, dont on commémore le centenaire, l’offensive de Vimy est un des actes fondateurs de la nation canadienne et un incroyable fait d’arme. J’avais, enfin, à l’esprit, en me lançant dans l’écriture de ce roman, l’image de mon grand-père qui a participé comme médecin aux deux guerres mondiales. Lors de la première, il nous racontait souvent qu’il s’était perdu entre les lignes allemandes et françaises et n’avait dû son salut qu’à la découverte d’un cheval abandonné qui lui a permis de regagner son camp.
“Les Escapés” est-il un roman de guerre, d’amour et d’amitié ou tout cela à la fois?
Paul Daudin Clavaud: Tout cela à la fois et en plus un roman qui se veut profondément humaniste. Le lecteur y croise certes des héros de fiction mais aussi des personnages historiques comme Emile Basly, Jaurès, Clémenceau, l’anarchosyndicaliste Pierre Simon, dit Ricq, le Général canadien Arthur Curie. C’est en même temps, malheureusement, un roman terriblement actuel. La catastrophe de Courrières a fait 1.100 morts parce que les responsables de ces mêmes mines négligeaient la sécurité. Cela s’est, depuis, beaucoup amélioré en France, mais cela n’empêche pas des industriels occidentaux et asiatiques d’acheter le coltan, minerai indispensable à nos téléphones portables, à des négociants qui exploitent au Congo des mines où des hommes et des femmes meurent tous les jours. Rien n’a changé.
Un long travail de documentation a présidé à l’élaboration de votre roman. Il vous a fallu combien de temps pour collecter les données dont vous aviez besoin?
Paul Daudin Clavaud: Vivant dans le Nord de la France lorsque je ne suis pas au Maroc, j’avais non seulement la documentation sur place mais aussi les sites. Celui de la crête de Vimy, par exemple, a été légué au Canada après la guerre. De jeunes étudiants canadiens y proposent des visites qui permettent, notamment, de découvrir les fameuses galeries creusées par les soldats pour pouvoir accéder en toute discrétion en première ligne au matin du 9 avril 1917. Pour Courrières, je me suis servi, entre autres, d’un petit récit rédigé par Albert Danglot, un des treize mineurs rescapés qui n’ont retrouvé le jour que trois semaines après la catastrophe. Une fois toute cette matière historique réunie, j’ai cherché à scénariser l’ensemble pour faire vivre au lecteur et en parallèle ces deux aventures exceptionnelles.
Votre premier roman, “Le Seizième anneau du serpent”, est également un voyage dans l’Histoire. D’où vous vient cette passion pour les événements du passé. Que cherchez-vous en plongeant dans le passé?
Paul Daudin Clavaud: Mon premier roman était à la fois historique et ésotérique. Il est vrai que j’ai un goût plutôt prononcé pour l’Histoire. Ce qui me plaît surtout, c’est de découvrir des événements, de me passionner pour des personnages, des lieux et de partager cela avec le lecteur.
Avez-vous une idée sur votre prochain roman?
Paul Daudin Clavaud: Le prochain est déjà écrit. C’est un voyage dans le temps et dans l’espace qui permet d’aborder un thème passionnant, celui de la réincarnation et des âmes soeurs. Celui que j’écris en ce moment est une fable sociale qui parle de l’exil, des origines et de la vacuité parfois de l’existence. C’est, en même temps, très drôle. Du moins je l’espère.