L’assimilation, plutôt que l’intégration !
IMMIGRATION. La majorité écrasante des 380.000 Néerlandais d’origine marocaine sont Rifains. L’immigration massive dans les années 60 aux Pays-Bas est, aujourd’hui, à son point mort. La Hollande est minée par une vague grandissante de xénophobie qui exige des immigrés l’abandon inconditionné de leur identité.
Rencontré à Casablanca le mardi 14 avril 2015, le Néerlandais Nourdin El Ouali est le leader du parti politique Nida (“appel”, en français), de tendance islamiste modérée, qui monte aux Pays-Bas. Le qualificatif “islamiste” n’est pas au goût de cet homme politique d’origine marocaine car, pour lui, il porte une connotation péjorative dans l’inconscient collectif, au détriment des valeurs universelles qui permettent d’identifier et de promouvoir son parti politique, ouvert à tous, de tous bords et de toutes les religions. «Nous sommes ouverts à tous, musulmans comme non-musulmans. Nous visons à servir tous les habitants de Rotterdam, en nous inspirant certes des préceptes de l’Islam, avec l’objectif d’apporter des réponses nouvelles, éclairées et adaptées à toutes les questions de discriminations et d’injustices. Les élus des autres partis n’ont jamais apporté de solutions aux problèmes de leurs électeurs», confie Nourdin El Ouali.
L’année dernière, les manifestations de solidarité avec Gaza bombardée, ravagée et endeuillée lui ont donné une visibilité exceptionnelle en sa qualité de leader du soutien propalestinien. Nourdin El Ouali s’est imposé dans le paysage politique national en brandissant haut l’étendard de la Palestine sur la terre des tulipes et du multiculturalisme. Encore plus à Rotterdam, l’une des villes les plus cosmopolites du monde, où plus de 190 nationalités cohabitent.
Ce rassemblement, qui a fédéré plus de 10.000 personnes à Rotterdam, de toutes confessions et origines, a permis à Nida d’émerger comme une nouvelle force politique sur l’échiquier national. N’ayant conquis que deux sièges sur les 45 qui composent le conseil municipal de Rotterdam lors de la récente course à la mairie, un début prometteur, le parti de Nourdin El Ouali compte se présenter aux prochaines élections locales et nationales.
Un début prometteur
Au Royaume des Pays-Bas, pays de l’Europe de l’ouest de faible altitude, il existe 380.00 Hollandais d’origine marocaine comme Nourdin El Ouali qui sont, dans leur majorité écrasante, des Rifains. Ils ne sont pas tous un cas de réussite comme le leader de Nida. Mais ils partagent, de père en fils, l’amour de ce pays. Nous sommes à la 3e génération d’immigrés marocains en Hollande. La première génération a immigré légalement dans les années 60 pour travailler dans les mines de Limburg ou de Breda, dans le Sud, dans les ports d’Amsterdam ou de Rotterdam ou encore dans l’agriculture et l’industrie au centre des Pays- Bas, pour accompagner la relance économique d’après la guerre mondiale. De grandes compagnies comme Philips venaient au Maroc les recruter.
Une majorité rifaine
Les Rifains, face à la morosité économique qui régnait dans le Rif marocain, partaient en plus grand nombre. Les recrues étaient une main-d’oeuvre d’un niveau d’instruction modeste. C’était voulu, le gouvernement hollandais de l’époque évitait ainsi des grèves liées aux augmentations de salaire. A l’exemple du père de Nourdin, les travailleurs de sa génération, qui ne maîtrisaient pas la langue néerlandaise, avait l’idée de mettre des économies de côté pour rentrer quelques années plus tard au bled. Le coût de la vie, cher, chamboulera leurs plans.
Ils partageaient des bicoques de deux chambres et des lits superposés pour pouvoir économiser de l’argent. Avec le lancement du regroupement familial dans les années 70 et la politique néerlandaise accueillante et incitant à l’intégration, cette première vague d’immigrés a tout fait pour éduquer sa progéniture à s’intégrer parfaitement dans la société hollandaise. On proposait à leurs enfants deux heures par semaine de langue arabe et deux autres heures pour étudier les religions à l’école.
A l’image de Nourdin, beaucoup de figures rifaines de la première et de la deuxième génération ont mené une carrière brillante dans la politique ou le sport. Ahmed Aboutaleb, né en 1961 à Beni Sidel, une bourgade nichée dans les montagnes du Rif, est maire de Rotterdam depuis 2009 sous les couleurs du Parti du travail (PVDA). Il a aussi occupé le poste de Secrétaire d’État aux Affaires sociales entre 2008 et 2009.
À la mort de son grand-père, avec sa mère et ses cinq frères et soeurs, il quitte le Maroc à 15 ans, en octobre 1976, pour rejoindre son père, ancien imam de son village et qui avait émigré à La Haye où il travaillait comme agent d’entretien. Puis, une nouvelle page dans l’histoire aux Pays-Bas s’ouvrira, au début des années 2000. Dans le pays le plus ouvert à l’immigration, le “Hollandais de souche” retrouve sa place dans les discours des milieux politiques hollandais, notamment xénophobes.
Discours xénophobes
Après l’assassinat du dirigeant populiste et après l’assassinat par un islamiste du cinéaste Théo Van Gogh en 2004, ces partis ont véhiculé des messages comme quoi l’islam est en contradiction avec le libéralisme européen et la constitution hollandaise. L’appel à la fermeture des frontières a été repris, notamment par le parti d’extrême droite le PVV et le parti libéral VVD. Le débat sur l’intégration a cédé la place à l’assimilation inconditionnée des immigrés, qui devraient abandonner définitivement leur identité au profit des normes de la société d’accueil. L’inquiétude grandit au sein de la communauté marocaine, prise pour cible par Geert Wilders, ce député provocateur de droite (PVV), auteur d’un film contesté sur l’islam, qui ne cesse de tirer à boulets rouges sur l’Islam et les Néerlandais d’origine marocaine. Ces provocations montantes ont fini par pousser le gouvernement à rompre de façon unilatérale la convention sur la sécurité sociale entre les deux pays, signée en 1972.
«Il y a aujourd’hui une différence entre le Néerlandais de 1er degré (avec une seule nationalité) et le Néerlandais de 2ème degré (double nationalité). Celui qui a double nationalité, condamné pour un crime, est refoulé, après avoir purgé sa peine, au Maroc. Autre exemple, quand deux Néerlandais ayant combattu avec Daech, regagnent leur pays, le Néerlandais d’origine marocaine est refoulé au Maroc», souligne avec amertume Nourdin El Ouali. Les Rifains ne se marient plus avec des femmes du bled à cause des obstacles administratifs et financiers mis en place par les autorités hollandaises. C’est le début de la fin de l’immigration des Rifains au Royaume du multiculturalisme.