LE MAROC DANS L'IMPASSE

Mustapha Sehimi

Un statu quo difficilement tenable...


Tout le monde attend les suites que le Souverain va donner au diagnostic qu’il a lui-même opéré dans le discours du trône, le 29 juillet 2017.

Oui, on peut continuer ainsi, comme par le passé: un cabinet en place qui gère comme il l’a fait, un parlement à la remorque et chaque organe dans son domaine. Oui, l’on peut poursuivre dans cette voie… mais n’est-ce pas l’impasse parce qu’au final ce sera la plus mauvaise solution? C’est qu’en effet, une donne majeure est intervenue: celle du discours du Trône du 29 juillet 2017.

A cette occasion –et c’est présent dans toutes les mémoires– le Souverain avait dressé un état des lieux problématique, préoccupant, qui n’était pas sans rappeler, mutatis mutandis, le discours alarmiste de feu Hassan II devant le parlement en octobre 1995. Sur cette base-là, il a été demandé à des administrations spécialisées (Intérieur et Finances) de préparer des rapports exhaustifs sur les dysfonctionnements et les carences qui ont plombé le programme Al Hoceima Manarat al Motawassit, articulé autour d’une dizaine de conventions d’un montant total de 6,5 milliards de Dh signés devant le Roi à Tanger, le 17 octobre 2015. Un audit dédié à ce programme régional mais dont les conclusions peuvent être globalement étendues à d’autres territoires.

Et maintenant, que fait-on? Tout le monde attend évidemment les suites que le Souverain va donner au diagnostic qu’il a luimême opéré voici deux mois et qui a été formulé précisément à la suite des évènements d’Al Hoceima. L’attente est en effet générale: elle porte sur l’ordonnance royale. Quel traitement? Avec quel accompagnement institutionnel et politique? Et sur la base de quelle gouvernance des politiques publiques? Des sanctions éventuelles frappant des décideurs publics –à tel ou tel niveau– seront-elles suffisantes? Difficile de le croire parce que la remise à plat doit être plus large et porter sur la responsabilité des organes et de leurs dirigeants, couplée à la reddition des comptes. En somme, rien de révolutionnaire ni d’arbitraire mais l’application de la Constitution, laquelle a expressément consacré ce principe.

Cela commande de nouvelles méthodes de gouvernance et les profils les plus appropriés à cet égard. Sur le premier point, le cabinet El Othmani a fort à faire et il n’a pas commencé son mandat dans les meilleures conditions. D’abord, par suite des conditions de sa mise sur pied après plus de six mois de crise institutionnelle et politique, ensuite parce qu’il a subi frontalement les problèmes liés au Hirak d’Al Hoceima. Il a multiplié les déplacements sur le terrain, activé les chantiers prévus et mis au point des mécanisme de suivi avec des commissions interministérielles démultipliées dans les régions. Il y a du mieux, sans doute, par rapport à une indolence et une nonchalance dominantes. Mais pourquoi a-t-il fallu le blâme collectif royal pour s’engager dans cette voie? Cela veut dire qu’une culture d’entreprise est tellement prégnante, fondée sur les effets d’annonce sans qu’un suivi n’accompagne les étapes du cheminement des politiques publiques et leur application.

Rien d’étonnant que dans ces conditions le scepticisme soit si général quant à la capacité réformatrice de ce gouvernement. Des dossiers importants, lourds, sensibles, sont évoqués mais sans agenda contraignant. La décompensation du gaz butane est reportée à 2019; la réforme des régimes de retraite n’est pas plus avancée; l’implémentation de la régionalisation reste à la traîne.

Au total, rétablir la confiance: voilà la porte étroite par laquelle tout pourrait être possible et mobilisateur. Le discours officiel a perdu de sa crédibilité: qui écoute un ministre ou un député au parlement? Qui donne crédit à l’impact de chantiers et de projets mirifiques alors que les conditions sociales sont difficiles et que le chômage des jeunes –et des jeunes diplômés surtout– constitue une grande fragilité structurelle. Le statu quo actuel est difficilement tenable...

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