Le Maroc autorise des pesticides et insecticides cancérigènes

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DANGER. Des pesticides et insecticides connus pour être cancérigènes continuent d’être  utilisés au Maroc dans l’agriculture et à usage domestique. Ils sont toujours autorisés  malgré l’alerte de l’OMS.

Les Marocains sont-ils  réellement protégés du  risque cancer à partir  des pesticides? Rien n’est  sûr, sachant que le trafic  illégal est prospère et l’utilisation  de produits phytosanitaires,  à double usage agricole et  domestique, nuisibles pour la  santé est avalisée par les autorités.  Ce danger de santé publique n’est  pas un sujet nouveau. Il émerge  de nouveau à la surface après  l’alerte donnée par le Centre  international de recherche sur  le cancer (CIRC) relevant de  l’Organisation Mondiale de la  Santé (OMS), le 20 mars 2015, qui a  publié les conclusions d’un groupe  de travail sur l’évaluation de la  cancérogénicité de cinq matières  actives pesticides.

Des autorisations périlleuses
Il les classe «comme cancérigènes  probables». Le CIRC distingue deux  groupes: Le premier se compose  du glyphosate, du malathion et  du diazinon, suspectés d’avoir un  effet cancérigène probable. En revanche, le tetrachlorvinphos et  le parathion sont suspectés d’avoir  développé des cancers chez les  animaux étudiés en laboratoire.
L’information se propage  rapidement sur la toile. Une  vague d’inquiétude est exprimée  par les internautes marocains. Ce  qui a nourri les inquiétudes, c’est  que sur le site de l’ONSSA (Office  national de Sécurité Sanitaire des  produits Alimentaires), la liste des  pesticides homologués à usage  agricole, comportait encore ces  pesticides. La liste a été actualisée. Mais est-ce suffisant pour rassurer  les consommateurs?
Contactés, les responsables de  l’ONSSA affirment que les matières  actives le tetrachlorvinphos, le  parathion et le diazinon ne sont  plus autorisées au Maroc comme  pesticides à usage agricole. Un ouf  de soulagement. Mais là où le bât  blesse, c’est que le glyphosate et le  malathion sont encore autorisés en  tant qu’herbicide et insecticide. Ce  n’est pas tout.

Intoxications fatales
L’Office nous apprend que la  matière active la plus controversée  est le glyphosate, qui est l’herbicide  le plus utilisé à l’échelle mondiale  en terme de quantité pour lutter  contre une large gamme de  mauvaises herbes vivaces nuisibles  à plusieurs cultures et notamment  l’orobanche qui s’avère être le  parasite majeur des légumineuses  comme de la fève. Cet herbicide  reste le seul moyen de lutte  efficace contre ce parasite au  Maroc, assurent, ou rassurent à  leur manière, les responsables de  l’ONSSA. Pour ne rien arranger,  l’Office dit que le Maroc n’est pas  le seul à l’utiliser. Il y a les Etats-  Unis, les pays de l’Organisation de  Coopération et de Développement  Economique (OCDE) et les pays  de l’Union Européenne. Par  conséquent, il ne fait pas encore  l’objet d’interdiction à l’échelle  mondiale, tandis que le malathion  est toujours autorisé dans certains  pays de l’OCDE tels que le Japon, la  Turquie et le Chili.
Les responsables de la sécurité de  nos aliments n’aiment pas prendre  l’initiative. Ils attendent que les  autres la prennent avant de les  suivre.
Les intoxications par les pesticides  sont très répandues dans les pays  en développement à vocation  agricole. Au Maroc, près de  1.348 cas ont été recensés en  2014. Sur l’ensemble des cas recensés, 25 ont perdu la vie. Les  rédacteurs du rapport estiment  qu’il s’agit d’un «sujet de grande  préoccupation, qui nécessite des  actions multisectorielles pour sa  prévention». Le Maroc est l’un des  pays où les intoxications aiguës  par pesticide (IAP) occupent la  4ème position après les piqûres  des scorpions, les médicaments,  et le gaz.
Il y a 3 ans, l’Association  WEDFOCUS a élaboré un rapport  détaillé sur les pesticides au Maroc.  Il en ressort que les pesticides  sont généralement très mal  utilisés. Les doses recommandées  ne sont pas, dans la majorité  des cas, respectées. Plus encore,  les pesticides sont également  utilisés sans respect du délai  avant récolte, ce qui induit une  pollution accrue des différentes composantes de l’environnement  (nappe phréatique, sol, air...).  Pire, ce processus laisse surtout  des quantités énormes de résidus  de pesticides dans les fruits et  légumes, d’où des risques graves  pour la santé du consommateur,  souligne le rapport.

Danger certain
En effet, les pesticides utilisés  au Maroc ne sont pas fabriqués  localement. Ils sont importés de  l’étranger, de pays qui se soucient  peu des normes de santé. Plus  de 12.000 tonnes de produits  transitent par nos frontières.  Environ 300 à 350 matières actives  sont autorisées au Maroc et entrent  dans la composition de près de  1.000 spécialités commerciales,  dont plus de 80% homologuées pour utilisation agricole. Quant  au réseau de commercialisation,  il présente plusieurs défaillances  telles que les lenteurs du système  d’homologation des produits  proposés à l’importation, qui  n’est pas assez informé sur les  innovations sur le marché mondial  ou les normes en vigueur ailleurs.  L’insuffisance de la vigilance des  services douaniers pour s’opposer  aux introductions illicites est une  des défaillances relevées.
L’ONSSA, qui a contrôlé à  l’importation une quantité de  15.000 tonnes de pesticides, dont  28 tonnes ont été refoulées en 2014,  est sur ses gardes concernant les  pesticides interdits. Mais à l’égard  de ceux autorisés mais dangereux  pour la santé publique, la décision  à prendre ne lui revient pas. Elle  est, par essence, politique.

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