Le journaliste Hassan Omar Alaoui: Un routier de la plume


Journaliste, militant de l’UNFP, notre confrère Hassan Omar Alaoui est mort, mercredi 16 novembre 2022, dans la matinée. Il a été inhumé le même jour après la prière d’Addohr au cimetière Errahma, à Casablanca, en présence des membres de sa famille et de nombreux amis. Nous publions, en guise d’hommage, l’article que nous lui avons consacré dans notre hebdomadaire, Maroc Hebdo, numéro 443 daté du 8 au 14 décembre 2000, et signé Noureddine Jouhari.

L’homme a l’allure d’un éternel jeune. Sourire de ceux qui ont une longue expérience derrière eux et qui croient en leur possibilité de donner encore plus. La malice, peut-être un peu. La ruse, allez savoir. La bonhomie, certainement. On peut multiplier les qualificatifs à souhait, parfois l’un et son contraire, et l’on ne finira pas de donner à Hassan Omar Alaoui, le qualificatif qui lui sied le mieux.

C’est que Hassan Alaoui est un vétéran de la presse marocaine. Et raconter son parcours professionnel n’est pas une simple compilation des informations le concernant. Parce qu’en fait le parcours professionnel de Hassan Alaoui est intimement lié à l’action politique de près d’un demi siècle.

Effectivement, Hassan Alaoui, né en 1939, a rejoint la fonction publique en 1956. «A l’époque, dit-il, l’administration marocaine avait besoin de cadres, voire de gens lettrés pour répondre aux nécessités de la mise en place des rouages de l’État. J’avais entamé mes études secondaires quand j’ai rejoint le ministère de la Justice, en tant que responsable du service civil au tribunal régional de Casablanca».

En 1961, il y avait un mouvement de grèves ayant touché plusieurs secteurs. Hassan Alaoui a été radié de la fonction publique parce qu’il avait pris part à une grève de solidarité avec les fonctionnaires grévistes.

Là, on commence à entrevoir la fibre du militant syndicaliste actif. Un activisme qui a commencé dès son bas âge, au quartier des Habous, à Casablanca où il a vu le jour. Affilié à l’Union marocaine du travail, il était aussi membre des jeunes qui ont contribué à l’activisme des universités unifiées, menées par Mehdi Benbarka et qui ont fini par la création de l’Union nationale des forces populaires (UNFP).

Un journaliste militant
En 1959, se rappelle-t-il, on était encore prêt à tout sacrifier pour faire avancer les bases de l’État de droit et qui devait permettre au peuple marocain de jouir pleinement de ses droits.

«C’est dans ce climat empreint de militantisme que j’ai commencé à écrire dans les journaux de l’UNFP. Mais en septembre 1961, j’ai rejoint la rédaction d’Attahrir, dont le directeur n’était autre que Fkih Basri alors que Abderrahmane Youssoufi assurait la rédaction en chef. J’ai commencé d’abord et pendant quelques mois en tant que correcteur, avant d’intégrer la rédaction où j’étais responsable du service régional», se rappelle-t-il, non sans une empreinte de nostalgie.

Le journal Attahrir a été interdit en 1963, suite aux événements ayant conduit au procès des unfpéistes, connu sous le nom du procès de Marrakech. Hassan Alaoui crée, en compagnie d’autres ittihadis, l’hebdomadaire Al Ahdaf, avant que le parti ne crée en 1965 Al Moharrir, dont la direction a été confiée à Brahim Baamrani. «Cela a duré jusqu’à l’enlèvement de Mehdi Ben Barka en octobre 1965. Al Mouharrir est arrêté. Et c’est en 1967, à la faveur de la guerre des six jours, ayant permis à Israël d’occuper la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous avons créé, sous la direction de Mohamed Ouadiaâ Al Assafi la revue Palestine, dont le dynamo a été Omar Benjelloun. C’était une expérience formidable à l’époque, côté iconographie et très recherchée au plan de la maquette. Alors que les écrits étaient, en général, axés sur la solidarité avec le peuple palestinien», dit-il.

Et ce n’est pas fini pour ce journaliste chez qui le parcours professionnel est lié à son activité politique. En effet, il a travaillé au journal Al Ittihad Al Watani, de l’UNFP, jusqu’à l’arrêt de sa parution en 1972. Deux ans plus tard, il est à Al Moharrir, qui a repris son cours qui allait durer jusqu’au 20 juin 1981.

Depuis, Hassan Alaoui se considère comme un journaliste indépendant. Est-ce à dire aussi une indépendance par rapport à l’activisme politique et à l’USFP? «Absolument pas. Je suis toujours engagé politiquement. Je ne suis pas affilié officiellement à l’USFP, mais je me considère comme un vrai usfpéiste. Comme d’ailleurs une bonne partie des anciens militants de l’UNFP», répond-il.

En 1987, il rejoint le journal Asharq Al Awsat. Au bureau de Rabat du journal international, édité à Londres, Hassan Alaoui n’est pas passé inaperçu. Bien au contraire. La preuve, il lancera, avec son ancien patron Othmane El Omeir, le premier journal arabe sur le net. «Il y a derrière cet ambitieux projet, un groupe de sociétés anglaises, en plus de M. El Omeir. Le lancement est prévu pour début janvier.» Admirez tout de même ce parcours, du plomb et les vieux linotypes, jusqu’à l’édition électronique. Marié, père d’un enfant, Omar, Hassan Alaoui n’omet pas de rappeler qu’il a contribué au lancement de l’hebdomadaire Al Balagh, de Mohamed Benyahya, fin des années soixante dix, qu’il a collaboré avec Abdellah Amrani dans Al Massir et Casablanca, ou encore dans le journal satirique de Bziz, Al houdhoud. Tout comme son activité parallèle qu’est la traduction du français en arabe. Fier d’avoir vu le jour au quartier des Habous à Casablanca, Hassan Alaoui n’est pas sectaire. En bon vivant, il poursuit son parcours, semé d’embûches par le passé, toujours dur au présent, non sans regarder dans le rétroviseur.

Et non sans se poser des questions plus lancinantes l’une que l’autre et qui peuvent être résumées ainsi: y a-t-il possibilité de concilier entre professionnalisme et militantisme? Où s’arrête le compromis et où commence la compromission?

 

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