En 2 0 0 9 , a v e c l’effondrement de Zakoura, une des plus grandes institutions de micro-finance (IMF) du pays, on craignait le déclin de tout un secteur. L’Etat intervient pour sortir ses acteurs d’une crise qui annonçait la faillite de tout un secteur.
Six ans après, la microfinance continue de faire le bonheur de plusieurs dizaines de milliers de familles modestes de par le Maroc, contribuant à la naissance ou le soutien de micro-projets générateurs de revenus. S’il existe plus de 14.000 coopératives actuellement, ce n’est pas le fruit du hasard.
Quelles sont les causes de cette crise? Les défauts de paiement ont augmenté tandis que la taille des portefeuilles a diminué, relève une étude réalisée par la Société financière internationale (IFC), relevant de la Banque mondiale, et dont les résultats ont été rendus publics le 10 mars 2015. Mais, au Maroc, la crise a été incarnée par Zakoura: une croissance extrême avec un contrôle minimum, conduisant à une vaste fraude et à un portefeuille irrécouvrable. Et même en excluant Zakoura du champ de l’analyse, les trois IMF restantes présentent un taux conjugué d’impayés qui ne dépasse pas la moyenne mondiale. Elles sont restées rentables chaque année, conclut l’étude. Mais une chose est sûre, le taux d’impayés et de radiations de créances a augmenté pour les trois autres IMF marocaines de près de 1.300% entre 2006 et 2009. Les prêts croisés comptent pour 30 à 50% des défauts de paiement. C’était globalement le grand mal du secteur.
Prêts croisés
Voici les enseignements du passé. Qu’en est-il des obstacles du présent? Il existe certainement un sentiment de prudence parmi les IMF, qui continuent à se focaliser sur les séquelles de la crise, prévient l’IFC. Progressivement, cette attitude commence à céder du terrain à une attention davantage portée sur l’avenir. Le secteur au Maroc est plus fort aujourd’hui qu’il n’était avant la crise, mais n’atteint toujours pas son potentiel réel. Pourquoi? Le secteur se trouve confronté à un obstacle majeur. Toutes les IMF au Maroc sont actuellement des ONG. Si au Maroc, cela paraît normal, au niveau mondial, c’est est une anomalie, sachant que sur les 15 plus importantes ONG de micro-financement du monde, les trois sont marocaines. Le Bangladesh est seul à en avoir plus, alors que c’est un pays à la fois bien plus pauvre et plus grand avec l’un des marchés de la microfinance les plus profonds et un secteur bancaire sousdéveloppé. Même la Colombie, seul autre pays avec de grandes ONG de micro-financement, dispose d’une grande variété de banques, IFNB et coopératives de crédit au service du secteur.
Des temps difficiles
Dans la grande majorité des cas, les IMF à l’échelle des trois principaux établissements marocains sont structurées comme des institutions commerciales, qu’elles soient banques ou IFNB. En tant qu’entités financières, les ONG ne sont pas en mesure de lever du capital pour soutenir leur croissance ou renforcer la constitution de fonds propres en temps difficiles. Par conséquent, leurs exigences en capitaux ne peuvent pas être rajustées au besoin. Faute d’actionnaires, les ONG peinent à constituer des conseils d’administration efficaces et à même d’assurer l’expertise et la comptabilité nécessaires à la viabilité de l’institution. Recruter et retenir des collaborateurs capables de gérer une institution financière de cette taille est également un défi pour les organisations à but non lucratif. Ce n’est pas tout. L’étude révèle d’autres contraintes. En tant qu’ONG privées de la possibilité d’offrir des produits d’épargne, les IMF ne peuvent pas tirer le meilleur profit des relations avec leurs clients, qui, bien souvent, sont exclus du reste du secteur financier. Les efforts de la banque Al Barid de fournir ce type de services sont importants et louables, mais dans un pays de la taille du Maroc, il semble irréaliste de compter sur une seule institution pour répondre efficacement aux besoins des petits épargnants.
Autre limites: le plafond de 50.000 dirhams pour le montant d’un prêt. Dans la pratique même, les prêts d’un montant supérieur à 40.000 dirhams restent très rares. La microfinance au Maroc, quoique bien développée sur le plan institutionnel, est à 30% en dessous de sa capacité prévue du marché. De la marge à saisir. La demande ainsi exprimée et insatisfaite est reconnue dans la stratégie nationale de microfinance. Une stratégie qui cite l’objectif de 3,2 millions de clients d’ici 2020, soit un triplement des chiffres actuels. Mais qui ne définit pas les moyens pour l’atteindre.