Le boss du Rap au Maroc

Younes-Talib-Lmoutchou

RENCONTRE. Grâce à ses références soigneusement  cherchées, son flow de niveau mondial, et sa technique  de haute volée, Younes Taleb, alias Mobydick puis  Lmoutchou, s’érige comme le boss du Rap au Maroc.

Derrière l’image du rappeur  arrogant que pourraient  dégager ses paroles et ses  vidéos clips, Lmoutchou fait  preuve d’une modestie agréablement  surprenante. Fidèle à son style décontracté,  avec ses énormes lunettes de  soleil et sa casquette typique des rappeurs,  il nous rencontre dans son «fief»  au quartier Hassan, à Rabat, où il jouit  d’une immense popularité. Il y voit le  jour en 1978, ce qui fait de lui l’un des  vétérans du rap marocain.

Mission découverte
Fin des années 80, alors qu’il est encore  adolescent, Lmoutchou découvre ce  genre musical pour la première. «Le  Maroc était renfermé sur lui-même, les  paraboles n’étaient pas encore là, mais  j’ai pu voir un vidéo clip de rap du groupe  américain Rap Bombata, pour la première  fois de ma vie sur une chaine espagnole  qu’on captait avec nos propres  moyens». A cette époque, Lmoutchou  s’illustrait dans son entourage par ses  talents de danseur, à tel point qu’on le  surnomait Younes Michael, en référence  à Michael Jackson.
Arrivées les années 90, Younes découvre  pleinement l’univers du Rap, à travers  des chanteurs américains comme  Vanilla Ice et MC Hammer, ses deux  premières et plus grandes idoles. Fasciné  par les innovations apportées par  ce genre au niveau des paroles et des  rythmes, il comprend vite que l’avenir  appartient au Rap. «Pour moi, le rap a  révolutionné l’industrie de la musique,  car il permet à ceux dépourvus d’une  belle voix, mais ayant de grandes capacités  intellectuelles, de s’exprimer musicalement  », nous explique-t-il.
Cependant, il avoue que ses  vrais débuts en tant que rappeur  professionnel tardaient.  «Ce n’est pas en lançant  des couplets de rap dans sa  chambre, entre amis, que  l’on devient un vrai rappeur»,  ajoute-t-il, avec un éclat de  rire.
Il faut attendre l’édition 2006  du Boulevard, événement de prospection des jeunes talents, pour  voir Lmoutchou passer un cap, et devenir  un rappeur pro, selon ses propres  standards. Choisi, dans un premier  temps, parmi 300 candidats, il surclasse  facilement ses 5 concurrents en phase  finale. «C’était la première fois que je  monte sur une vraie scène, mes paroles  étaient mon unique arme alors que  les autres étaient très bien préparés  techniquement». Pour la petite histoire,  Lmoutchou ne savait pas qu’il s’agissait  d’une compétition qui allait aboutir à un  gagnant. Ironiquement, cette victoire  constitue un tournant dans sa carrière.  En effet, Lmoutchou suspendait ses activités  artistiques en 2004 et 2005, faute  de moyens financiers, et se convertissait  en vendeur de CDs piratés à Rabat.

Nouveaux horisons
Fort de son succès au Boulevard, Lmoutchou  devient un habitué des radios,  notamment avec son morceau «Toc  Toc», qui réalise un immense succès  en 2007 et 2008. Mais cela  prend fin avec le revirement  de notre chanteur vers le dialectal  marocain, Darija. Cette  dernière s’avère trop «vulgaire  » au goût des stations.  «Mon album Moutchou  Family sorti en 2010 et destiné  aux radios, m’a pris trois  ans, mais je me suis rendu  compte après que je ne suis  pas fait pour la radio et que cette dernière freinait mes ambitions».  «Chekmate», morceau sorti en 2011,  marque cette mutation de Lmoutchou. Il  révolutionne le rap marocain, en donnant  naissance à une vague de rappeurs «hard»,  alors que les chanteurs de ce genre s’orientaient  globalement au «soft», très prisé  par les radios.

Esprit rebelle
En plus de prôner un langage «vulgaire»  et osé, Lmoutchou véhicule une image de  rebelle opposé aux normes du «système».  «Je désigne par le terme système la soumission  aveugle aux ordres et aux caprices  de l’autre. Nous sommes des citoyens non  pas des soldats, et même si je me trouvais  dans un pays très développé, je serais  toujours anti-système car la mission du  rappeur est de trouver les failles dans son  environnement»
Il nous confie que son premier objectif est  de gagner la reconnaissance des autres.  «Mais il ne faut pas que cette quête de  reconnaissance vire à l’obsession car elle  peut vous rendre esclave de certaines parties,  en particuliers les médias» rétorquet-  il. En 2009, il reçoit des propositions de  participer à une campagne appelant les  citoyens à aller aux urnes, mais refuse d’y  prendre part, contrairement à d’autres  chanteurs, dont des rappeurs. «J’ai préféré  opérer à ma façon et j’ai lancé un morceau  sur le même sujet, «Hizb Lâam zine», où je  me suis attaqué aux candidats corrompus,  puis j’ai récidivé avec «Dayîine» et «Ktaba  habta».
Lmoutchou se fixe également comme  objectif de combattre les maux de la  société marocaine. Concrètement, ses  chansons veulent pousser les gens à s’accepter  et à abandonner toute sorte de  stéréotypes qui rongent la société.
Par ailleurs, Younes Taleb entend continuer  sur cette voie, avec le lancement de sa  mixtape «Al Mada Lkham» en été 2015.  Un projet très important pour le rappeur,  qui compte capitaliser sur le succès de sa  précédente mixtape «Fast food», lancée en  juin 2014, et son morceau culte «Mouaalakat  », sorti trois mois après.

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