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Le boss du Rap au Maroc
- par Louay Kerdouss
- 09-05-2015
- Culture
RENCONTRE. Grâce à ses références soigneusement cherchées, son flow de niveau mondial, et sa technique de haute volée, Younes Taleb, alias Mobydick puis Lmoutchou, s’érige comme le boss du Rap au Maroc.
Derrière l’image du rappeur arrogant que pourraient dégager ses paroles et ses vidéos clips, Lmoutchou fait preuve d’une modestie agréablement surprenante. Fidèle à son style décontracté, avec ses énormes lunettes de soleil et sa casquette typique des rappeurs, il nous rencontre dans son «fief» au quartier Hassan, à Rabat, où il jouit d’une immense popularité. Il y voit le jour en 1978, ce qui fait de lui l’un des vétérans du rap marocain.
Mission découverte
Fin des années 80, alors qu’il est encore adolescent, Lmoutchou découvre ce genre musical pour la première. «Le Maroc était renfermé sur lui-même, les paraboles n’étaient pas encore là, mais j’ai pu voir un vidéo clip de rap du groupe américain Rap Bombata, pour la première fois de ma vie sur une chaine espagnole qu’on captait avec nos propres moyens». A cette époque, Lmoutchou s’illustrait dans son entourage par ses talents de danseur, à tel point qu’on le surnomait Younes Michael, en référence à Michael Jackson.
Arrivées les années 90, Younes découvre pleinement l’univers du Rap, à travers des chanteurs américains comme Vanilla Ice et MC Hammer, ses deux premières et plus grandes idoles. Fasciné par les innovations apportées par ce genre au niveau des paroles et des rythmes, il comprend vite que l’avenir appartient au Rap. «Pour moi, le rap a révolutionné l’industrie de la musique, car il permet à ceux dépourvus d’une belle voix, mais ayant de grandes capacités intellectuelles, de s’exprimer musicalement », nous explique-t-il.
Cependant, il avoue que ses vrais débuts en tant que rappeur professionnel tardaient. «Ce n’est pas en lançant des couplets de rap dans sa chambre, entre amis, que l’on devient un vrai rappeur», ajoute-t-il, avec un éclat de rire.
Il faut attendre l’édition 2006 du Boulevard, événement de prospection des jeunes talents, pour voir Lmoutchou passer un cap, et devenir un rappeur pro, selon ses propres standards. Choisi, dans un premier temps, parmi 300 candidats, il surclasse facilement ses 5 concurrents en phase finale. «C’était la première fois que je monte sur une vraie scène, mes paroles étaient mon unique arme alors que les autres étaient très bien préparés techniquement». Pour la petite histoire, Lmoutchou ne savait pas qu’il s’agissait d’une compétition qui allait aboutir à un gagnant. Ironiquement, cette victoire constitue un tournant dans sa carrière. En effet, Lmoutchou suspendait ses activités artistiques en 2004 et 2005, faute de moyens financiers, et se convertissait en vendeur de CDs piratés à Rabat.
Nouveaux horisons
Fort de son succès au Boulevard, Lmoutchou devient un habitué des radios, notamment avec son morceau «Toc Toc», qui réalise un immense succès en 2007 et 2008. Mais cela prend fin avec le revirement de notre chanteur vers le dialectal marocain, Darija. Cette dernière s’avère trop «vulgaire » au goût des stations. «Mon album Moutchou Family sorti en 2010 et destiné aux radios, m’a pris trois ans, mais je me suis rendu compte après que je ne suis pas fait pour la radio et que cette dernière freinait mes ambitions». «Chekmate», morceau sorti en 2011, marque cette mutation de Lmoutchou. Il révolutionne le rap marocain, en donnant naissance à une vague de rappeurs «hard», alors que les chanteurs de ce genre s’orientaient globalement au «soft», très prisé par les radios.
Esprit rebelle
En plus de prôner un langage «vulgaire» et osé, Lmoutchou véhicule une image de rebelle opposé aux normes du «système». «Je désigne par le terme système la soumission aveugle aux ordres et aux caprices de l’autre. Nous sommes des citoyens non pas des soldats, et même si je me trouvais dans un pays très développé, je serais toujours anti-système car la mission du rappeur est de trouver les failles dans son environnement»
Il nous confie que son premier objectif est de gagner la reconnaissance des autres. «Mais il ne faut pas que cette quête de reconnaissance vire à l’obsession car elle peut vous rendre esclave de certaines parties, en particuliers les médias» rétorquet- il. En 2009, il reçoit des propositions de participer à une campagne appelant les citoyens à aller aux urnes, mais refuse d’y prendre part, contrairement à d’autres chanteurs, dont des rappeurs. «J’ai préféré opérer à ma façon et j’ai lancé un morceau sur le même sujet, «Hizb Lâam zine», où je me suis attaqué aux candidats corrompus, puis j’ai récidivé avec «Dayîine» et «Ktaba habta».
Lmoutchou se fixe également comme objectif de combattre les maux de la société marocaine. Concrètement, ses chansons veulent pousser les gens à s’accepter et à abandonner toute sorte de stéréotypes qui rongent la société.
Par ailleurs, Younes Taleb entend continuer sur cette voie, avec le lancement de sa mixtape «Al Mada Lkham» en été 2015. Un projet très important pour le rappeur, qui compte capitaliser sur le succès de sa précédente mixtape «Fast food», lancée en juin 2014, et son morceau culte «Mouaalakat », sorti trois mois après.