L'Algérie reçoit le coup de grâce de l'ONU

Les dirigeants du Polisario, Brahim Ghali et Mohamed Lamine Bouhali

La communauté internationale appuie la position du Maroc au sujet du Sahara


Le ministre des Affaires étrangères,  Nasser Bourita, est du genre  souriant. Une façon de diplomate  peut-être. En tout cas, le sourire  qu’il affiche le samedi 29 avril  2017 au siège de son département dans la  capitale, Rabat, semble sincère et, surtout,  triomphateur. Et pour cause. Au téléphone, la  représentante spéciale du secrétaire général  de l’Organisation des Nations unies (ONU)  au Sahara marocain, Kim Bolduc, vient de lui  annoncer que le Front Polisario s’est complètement  retiré du sud de la région, plus précisément  de la zone tampon de Guergarat, où  l’organisation séparatiste avait pris ses quartiers  depuis août 2016.

“Donc ils ont quitté?”, demande à son interlocutrice  M. Bourita, qui se soustrait au  regard des journalistes qu’il a conviés pour  commenter la résolution adoptée quelques  heures plus tôt par le Conseil de sécurité de  l’ONU sur la situation au Sahara marocain.  Venus en masse, les représentants des médias  nationaux sont tout ouïe. Ils espèrent  saisir en plein vol quelque salivant scoop.  Mais M. Bourita doit lui-même rester pendu  à son vieux Nokia pour se tenir informé. Il  faut dire que les nouvelles parvenaient au compte-gouttes depuis Guergarat. Certaines  affirmaient même que le Polisario était susceptible  de revenir sur son engagement formulé  la veille à opérer un “redéploiement” de  son “armée de libération populaire sahraouie”  (ALPS) -un vocable déjà ambigu qui pouvait  laisser croire au maintien des éléments du  front dans la zone.

D’ailleurs, prétextant la panne d’un de leurs  camions, les milices séparatistes allaient encore  traîner les pieds, avant de plier bagage  en début d’après-midi. “S’il reste une trace du  Polisario à Guergarat, il n’y aura pas de processus  politique ni de discussions avec qui  que ce soit”, avait averti le représentant permanent  du Maroc à l’ONU, Omar Hilale. C’est  dire si la partie n’était pas gagnée d’avance.

Gestion clairvoyante
En réalité, plusieurs actions et décisions du  roi Mohammed VI ont balisé la voie, comme  l’a expliqué M. Bourita aux journalistes. “C’est  la gestion clairvoyante de Sa Majesté qui a  permis au Maroc de désamorcer les difficultés  et d’approcher l’échéance d’avril 2017 avec  confort et sérénité”, a-t-il, ainsi, déclaré. Le  Polisario et son parrain algérien ne peuvent,  pour le moins, pas en dire autant. Leur approche va-t’en-guerre, qui n’a pas varié d’un  iota malgré le cessez-le-feu depuis 1991, a  encore une fois montré ses limites. “Le Polisario  est sorti à la 90e minute, tête baissée,  a indiqué M. Bourita. Il a été contraint de se  retirer, il s’est déjugé.”

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir joué avec  le feu, au point d’avoir manqué à plusieurs reprises  d’embraser l’ensemble de la région du  Maghreb. Tout au long des précédentes semaines,  le Polisario a ainsi multlplié les incursions  à Guergarat, malgré les remontrances  de la majeure partie de la communauté internationale  (si l’on excepte bien sûr l’Algérie et  ses États clients).

Propagande algéro-polisarienne
Mohammed VI avait à cet égard demandé en  février 2017 au secrétaire général de l’ONU,  Antonio Guterres, lors d’un entretien téléphonique,  de prendre les mesures urgentes et  nécessaires afin de mettre un terme à une situation  qualifiée d’“inadmissible”. “Ces actes  se sont préméditamment produits un mois  avant le retour du Maroc à l’Union africaine  (UA), afin de créer la zizanie et tenter, en  vain, de torpiller ce processus”, soulignait un  communiqué du Cabinet royal. Pour prouver  sa bonne foi, le Maroc procédait dès le lendemain  de l’entretien entre Mohammed VI et M.  Guterres à retirer les éléments des services  de sécurité et de douane -non des Forces armées  royales (FAR), comme la propagande  algéro-polisarienne l’avait soutenu- qu’il avait  déployés en août 2016 dans l’objectif d’enrayer  l’activité de contrebande, pendant que  le Polisario, lui, se rebiffait.

Le secrétaire général du front, Brahim Ghali,  faisait ainsi la sourde oreille aux supplications  de M. Guterres lors de leur entrevue en mars  2017 au siège de l’ONU dans la ville de New  York aux États-Unis. C’est seulement à l’orée  de la réunion du Conseil de sécurité que le  Polisario allait enfin, dans une lettre rendue  publique par le truchement de la représentation  permanente de la Namibie à l’ONU, annoncer  son retrait.

Le front séparatiste peut bien expliquer sa  débandade par l’appel de pays “amis” (l’Algérie?)  ou l’engagement de M. Guterres à faire  respecter l’accord militaire n°1 de 1997 qui  fixe les conditions du cessez-le-feu au Sahara marocain, la défaite de Guergarat devrait  sans doute longtemps rester dans les annales  séparatistes.

La notion de “territoire libéré”, dont le Polisario  affublait les zones tampons situées au-delà  du mur de défense marocain, se trouve  ramenée à sa vraie dimension: “un mythe”,  pour reprendre M. Bourita. La suite du processus  de négociation pourrait même être  fatale au front. Ainsi, le Conseil de sécurité  a de nouveau fait sienne la recommandation  de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban  Ki-moon, dans son rapport de 2008 sur la situation  concernant le Sahara marocain selon  laquelle le réalisme et l’esprit de conciliation  sont indispensables pour aller de l’avant dans  les négociations.

Ce qui, d’après M. Bourita, revient à dire que  les solutions qui ne répondraient pas aux  deux critères susmentionnés, à commencer  par l’indépendance, sont systématiquement à  écarter. Il faut dire que la recommandation de  M. Ban était intervenue à un moment où son  envoyé personnel, Peter van Walsum, avait  conclu devant le Conseil de sécurité que l’indépendance  du Sahara marocain n’était pas  une proposition réaliste.

L’esprit de conciliation
Le prochain envoyé personnel du secrétaire  général de l’ONU, l’ancien président allemand  Horst Köhler, devrait d’ailleurs s’inscrire  dans le droit fil des paramètres de négociation  défendus par le diplomate néerlandais.  Du moins, on attend qu’il batte en brèche la  partialité de son prédécesseur, Christopher  Ross, un peu trop favorable aux thèses algériennes  (le Maroc lui avait, de fait, retiré sa  confiance en 2012).

“Les solutions qui ne sont pas réalistes ne  sont plus de mise”, a, à cet égard, déclaré M.  Bourita. Aussi, le Conseil de sécurité a encouragé  les pays voisins, notamment l’Algérie,  à concourir aux négociations. Une façon  détournée, aux yeux de M. Bourita, d’obliger  le voisin de l’Est à prendre part au processus,  au lieu d’une contribution qui était jusque-là  uniquement volontaire.

“La responsabilité de l’Algérie dans la recherche  d’une solution doit être à la hauteur  de sa responsabilité dans la genèse du conflit,  a, à cet égard, expliqué le ministre. Les parties  et les États voisins sont mis au même niveau  dans la recherche d’une solution.”

Changement d’approche
Au passage, le Conseil de sécurité n’a cette  fois discuté ni le monitoring des droits humains  par la mission onusienne au Sahara  marocain, Minurso, qu’ont cherché à instrumentaliser  le Polisario et l’Algérie depuis  2013, ni la question des ressources naturelles.  “Si on avait été en 2016, on aurait eu  droit à plusieurs pages dans le rapport du  secrétaire général au sujet de l’accord agricole  Maroc-Union européenne (UE)”, a, à cet  égard, fait remarquer M. Bourita, en référence  au changement d’approche opéré depuis que  M. Guterres a succédé, en janvier 2017, à  M. Ban, qui, lui, penchait pleinement du côté  de l’Algérie. L’ancien secrétaire général de  l’ONU avait, pour rappel, qualifié lors d’une  visite dans le voisin de l’Est début 2016 la présence du Maroc dans son Sahara d’“occupation”,  suscitant du coup l’ire du Royaume  et des Marocains, sortis en masse manifester  dans la capitale, Rabat.

C’est donc à peine si le Conseil de sécurité  reprenait à son compte la phraséologie du  Maroc. La résolution de l’organe onusien fait  en effet presque mot à mot écho au discours  porté par Mohammed VI en différentes occasions,  notamment à l’occasion de la commémoration  de l’anniversaire de la récupération  du Sahara marocain en 2014, 2015 et 2016,  où le Roi avait affirmé que l’initiative marocaine  pour la négociation d’un statut d’autonomie  était le maximum que le Royaume  puisse offrir. “Le Maroc restera dans son  Sahara, et le Sahara demeurera dans son  Maroc jusqu’à la fin des temps”, tonnait ainsi  le Souverain.

L’Algérie isolée
On ne peut oublier bien sûr les ressources  que garde l’Algérie, notamment sonnantes  et trébuchantes du fait de son importante  manne pétrolière et gazière. Le voisin de  l’Est voudra ainsi, à coup sûr, prendre sa revanche.  Toutefois, il se retrouve de plus en  plus isolé sur la scène internationale. Ainsi,  même la Russie, qu’il s’est alliée en achetant  à tout-va ses armes (dont 8 biréacteurs  Sukhoi Su-30MKI réceptionnés en janvier  2017 en contrepartie d’un chèque de 37 millions  de dollars américains pièce), ne s’est  pas abstenue, contrairement à 2016, lors  de l’adoption de la résolution du Conseil de  sécurité.

Le Maroc peut même compter sur l’appui de  fidèles amis, à l’instar des Etats-Unis et de  la France, qui sont tous deux membres permanents  dudit conseil. “A l’occasion de sa  première sortie, l’administration américaine  a maintenu la position traditionnelle en qualifiant  la proposition d’autonomie marocaine de  réaliste, crédible et sérieuse”, a, à cet égard,  déclaré M. Bourita. Serions-nous donc enfin  en train de nous acheminer vers la résolution  définitive du conflit du Sahara marocain? Si,  à ressasser l’évolution sur le terrain depuis  1975, on ne serait pas trop tenté d’aller vite  en besogne, on peut croire que la présente  fois pourrait peut-être être enfin la bonne.

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