L’histoire du Parti authenticité et modernité (PAM), c’est celle d’un rendez-vous raté avec le destin. Son destin. Celui de préposé à la primature. Souvenez-vous. Nous sommes en 2009. Aux élections communales, la formation du tracteur fait une véritable razzia. Près d’un cinquième des communes du pays sont enlevées. Jamais un parti aussi neuf n’avait connu un aussi franc succès dans l’Histoire électorale du Maroc.
Peut-être le Front pour la défense des institutions constitutionnelles (FDIC) aux législatives de 1963. Et pour cause. Son fondateur n’était autre que l’ancien conseiller du roi Hassan II, Ahmed Réda Guédira. Un personnage qui rappelle à plus d’un titre celui de Fouad Ali El Himma, luimême conseiller royal aujourd’hui et l’homme derrière la création du PAM. A l’époque des communales de 2009, le PAM comptait moins d’un an d’existence. Fondé en 2008, le parti était arrivé en quelques mois seulement, pour ne pas dire quelques semaines, sinon quelques jours, à rallier un flot inédit d’adhérents.
La seule présence de M. El Himma aux manettes avait suffi à drainer une procession sans commune mesure d’opportunistes en tous genres, les uns en quête de réhabilitation politique, les autres d’une proximité de bon aloi. Un bien curieux attelage qui n’allait pas tarder à faire «pschitt» non en raison de quelconques vicissitudes internes, mais au bénéfice d’un «Printemps arabe» aussi impromptu que ravageur. En 2011, d’importantes vagues de protestations emportent un certain nombre de régimes dans la région MENA (Moyen-Orient/Afrique du Nord), de la Tunisie au Yémen en passant par la Libye et l’Égypte.
Une conjoncture particulière
Dans leur sillage, c’est toutes les ambitions du tracteur qui sont balayées d’un revers de main. Il faut dire qu’aux yeux d’une grande partie des manifestants du Mouvement du 20-Février, principal mouvement de contestation au Maroc, le PAM concentrait toutes les tares du champ politique national: collusion entre intérêts politiques et personnels, ingérence de l’administration dans le processus électoral, hautes complicités. Une nouvelle Constitution est adoptée au mois de juillet 2011 et dans la même foulée, en novembre 2011, des élections anticipées sont organisées: le fameux G8, groupement de huit partis politiques conduit notamment par le PAM et le Rassemblement national des indépendants (RNI) ne suffira pas à entraver le cours naturel de l’Histoire.
Le PAM perd au change huit sièges à la chambre des représentants, chambre basse du parlement, après avoir récupéré au plus fort des ralliements plus d’une cinquantaine de députés, et n’est plus que la quatrième force politique du pays. Pis, les urnes remettent les clés de l’Exécutif au Parti de la justice et du développement (PJD), l’ennemi islamiste tant honni. Il faut rappeler qu’à l’origine le PAM, avant d’être un projet politique, sinon le «mouvement» d’un ensemble de «démocrates» pour reprendre la terminologie d’époque, est d’abord une réaction à une conjoncture particulière marquée par une percée quasi irrémédiable du PJD, déjà auteur d’excellents résultats aux législatives de 2002 et 2007. Quelques mois avant la création du PAM, M. El Himma ne faisait-il pas, dans un passage, en 2007, sur la chaîne de télévision nationale «2M», du combat contre l’islamisme l’une des principales motivations de son entrée en politique?
Ce bref rappel historique s’impose, en ce qu’il met le doigt sur ce qu’est le PAM en substance: un réflexe momentané à une stimulation conjoncturelle. Mais alors que le contexte n’est plus le même, faut-il pour autant enterrer le PAM?
Un réflexe momentané
Ce serait vite aller en besogne que de tenir une telle assertion. A coup sûr, les temps ont changé. Oui, c’est d’une clarté incontestable, il y a un avant et un après 20 février. Un projet comme celui du PAM de 2008 n’aurait que peu de chances d’aboutir. Mais le PAM lui aussi a changé, au passage. Beaucoup changé, même. C’est certain, il continue à porter et continuera longtemps à porter la patte indélébile de M. El Himma. Mais ce dernier n’a plus vraiment grand-chose à voir avec le parti. Du moins, l’assurait-il encore à son proche entourage en février 2015. M. El Himma n’entretient en tout cas plus de rapports officiels avec le tracteur depuis sa démission de sa fonction de secrétaire général adjoint en 2011.
L’inquiétude du PJD à l’approche des communales, mais également des régionales, toutes deux prévues en septembre 2015, est en cela éloquente: en public peut-être, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, clame haut et fort que la formation islamiste, dont il est secrétaire général, peut enlever la mise même «en dormant». Mais dans les cercles autorisés, il ne manque pas de faire part de ses craintes vis-à-vis du PAM.
Une certaine légitimité
A mesure que le tracteur ne semblait tenir aucun projet de société à ses débuts, si ce n’est de combiner, sans autre explication, l’authenticité et la modernité comme l’indique son nom, son action devient de plus en plus cohérente. Sous l’influence notamment de son secrétaire général adjoint Ilyas Elomari, gauchiste reconverti et véritable numéro 1 bis du parti, le PAM défend l’une des lignes les plus progressistes du pays.
Sur le plan diplomatique, le PAM joue également un rôle important. Outre d’avoir grandement contribué, en 2013, à réconcilier les différentes factions palestiniennes, lors d’une rencontre tenue à son initiative dans la ville de Skhirat, c’est par le truchement du parti qu’entre autres le Paraguay avait, début 2014, retiré sa reconnaissance de la «République arabe sahraouie démocratique» (RASD), autoproclamée par le Front Polisario, séparatiste, dans la région du Sahara, dans le Sud du Maroc.
Des faits d’armes qui donnent une certaine épaisseur au parti. De même, une certaine légitimité. Après l’avoir épargné pendant plusieurs mois, depuis qu’il avait reçu à son domicile en mars 2015 les conseillers du Roi Abdeltif Menouni et… M. El Himma, suite aux les griefs de l’opposition contre lui, M. Benkirane est de nouveau revenu à la charge samedi 12 juillet 2015 pour s’attaquer au PAM, l’accusant de s’inscrire en faux «contre le caractère islamique du Maroc». Signe d’une appréhension d’un tracteur remis en ordre de marche?