La colère gronde en Tunisie après le décès d'un jeune chômeur





© AFP © AFP

La police a utilisé mercredi du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser des manifestants à Kasserine, ville défavorisée du centre de la Tunisie agitée par des heurts depuis le décès d'un jeune chômeur.

Des centaines de personnes se sont rassemblées en matinée devant le siège du gouvernorat pour réclamer "des solutions au chômage" avant de se diriger vers le centre-ville, où des petits groupes ont bloqué des routes avec des pneus en feu.

Des heurts sporadiques ont ensuite opposé policiers et manifestants toute la journée. Comme la veille, les forces de l'ordre ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des protestataires qui leur lançaient des pierres, selon un correspondant de l'AFP.

La police a aussi fait usage de canons à eau et tiré en l'air, selon des témoins. Les accrochages ont continué malgré le couvre-feu de 18H00 à 05H00 décrété mardi dans cette ville d'environ 80.000 habitants.

Huit policiers ont été blessés mercredi à Kasserine et onze à Thala, une ville proche, selon le directeur régional de la Santé Abdelghani Chaabani. La veille, vingt manifestants et trois policiers avaient été légèrement blessés à Kasserine.

Le porte-parole du gouvernement, Khaled Chouket, a annoncé mercredi soir une série de mesures pour la région de Kasserine, dont l'embauche de 5.000 chômeurs et l'allocation de 135 millions de dinars (60 M EUR) à la construction de 1.000 logements sociaux.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a justifié le couvre-feu par la nécessité de "protéger les vies", d'éviter toute "escalade" mais aussi d'empêcher "les éléments terroristes d'essayer d'exploiter cette situation".

Kasserine se trouve en effet au pied du mont Chaambi, le principal maquis jihadiste de Tunisie.

L'armée a de son côté annoncé qu'elle procédait à des "opérations sur les monts à proximité de Kasserine et de Sidi Bouzid, avec des tirs d’artillerie et d’aviation". "On fait tout notre possible pour empêcher que ces personnes (les jihadistes, ndlr) descendent dans les villes", a dit à l'AFP le porte-parole du ministère de la Défense, Belhassen Oueslati.

Evènements prévisibles

Ces incidents font suite au décès samedi d'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait parmi d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique.

Mais pour Abderrahman Hedhili, président de l'ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), de tels évènements "étaient depuis longtemps prévisibles".

Cinq ans après la révolution contre la dictature de Zine el Abidine Ben Ali, née de l'immolation du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, l'exclusion sociale et les disparités régionales persistent.

"Nous avons averti que la situation sociale allait exploser. Les gens ont attendu (...) mais le gouvernement n'a pas de vision, pas de programme pour les régions intérieures", a dit à l'AFP M. Hedhili.

Le président Béji Caïd Essebsi a reconnu mercredi que "le gouvernement actuel avait hérité d’une situation très difficile" avec "700.000 chômeurs et parmi eux 250.000 jeunes qui ont des diplômes". "Mais (...) on ne peut résoudre des situations comme ça par des déclarations ou un coup de pouce. Il faut (laisser) du temps au temps", a-t-il dit.

Plusieurs rassemblements de soutien à Kasserine et pour réclamer développement et emplois se sont tenus mercredi. A Thala et Meknassi (centre), des manifestants ont bloqué des routes et brûlé des pneus, selon des témoins et une source de sécurité.

A Regueb (centre), la sous-préfecture a été prise d'assaut tandis que la façade du poste de la garde douanière à El Hidra, dans le gouvernorat de Kasserine, a été incendiée et un véhicule des forces de l'ordre brûlé, a indiqué M. Louguini à l'AFP.

Près de 150 personnes ont en outre manifesté à Tunis et des rassemblements ont été organisés à Sousse (centre-est) et à El Fahs (au sud-ouest de Tunis) selon les médias locaux.

Si elle a réussi la transition politique née de la révolution de 2011, la Tunisie ne parvient pas à relancer son économie.

En 2015, la croissance devrait être inférieure à 1%, notamment plombée par la crise du secteur touristique, conséquence de l'instabilité et des attaques jihadistes. Le chômage au niveau national dépasse 15% et atteint le double chez les diplômés.

Le Premier ministre Habib Essid a remanié son gouvernement en début de mois, après une première année jugée décevante.

© AFP



Articles similaires