Le ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, Abdeslam Seddiki et Miriem Bensaleh Chaqroun, présidente de la CGEM.
Dialogue. Dans un contexte houleux, le patronat, le gouvernement et les syndicats continuent de négocier. La CGEM, principale organisation patronale, accuse l’Exécutif de ne pas s’intéresser à l’entreprise.
C’est dans un contexte tendu que le patronat, le gouvernement et les syndicats se sont de nouveau réunis, lundi 16 mars 2015 dans la ville de Casablanca, pour la deuxième fois en une semaine, pour un nouveau round de négociations. Etaient présents la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), principale organisation patronale; l’Exécutif, représenté par le ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, Abdeslam Seddiki; et les trois centrales syndicales comptant le plus d’affiliés dans le pays, à savoir l’Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) et la Fédération démocratique du travail (FDT).
Cela alors que quelques jours plus tôt, la présidente de la CGEM, Miriem Bensalah- Chaqroun, avait adressé au Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, une missive l’appelant à prendre en considération les intérêts de l’entreprise.
En effet en 2014, rappelle la confédération, citant le Haut- Commissariat au plan (HCP), plusieurs secteurs ont observé un nombre important de pertes d’emplois; le plus concerné étant l’industrie. Plus de 17.000 emplois ont disparu dans le secteur.
Défaillances d’entreprises
En outre, relevait la société française d’assurance-crédit Euler Hermes en décembre 2014, le Maroc fait partie des pays où les défaillances d’entreprises atteignent un point haut, souvent historique, et qui peinent à les stabiliser. Les défaillances devraient continuer à croître de plus de 10% en 2015, d’après les experts de la firme. Enfin, le moral des patrons a souvent été au plus bas ces derniers mois. Les enquêtes du Centre marocain de conjoncture (CMC) sont éloquentes à ce propos.
La CGEM impute la responsabilité de la situation au gouvernement. Outre le fait de ne pas être à l’écoute des entreprises, l’Exécutif avantagerait la paix sociale au détriment de la relance de la croissance économique. A titre d’illustration, le gouvernement avait procédé en mai 2014 à une hausse de 10% du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) sans en avoir avisé le patronat auparavant. En conséquence, la compétitivité du Maroc en aurait été grandement affectée.
Cela d’autant qu’en même temps, l’encouragement à l’emploi et l’investissement n’avançait pas d’un iota. La CGEM avait dans ses propositions pour la loi de finances de 2015 en septembre 2014 appelé à une série de mesures dans ce sens. Cela étant, si le gouvernement a satisfait le patronat sur certains aspects, notamment les points relatifs à la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la loi de finances a été loin de le contenter. Pis, le manque d’entrain supposé de l’Exécutif dans sa lutte contre l’économie informelle n’en manque pas moins de courroucer la CGEM. Les dissensions entre la CGEM et le gouvernement touchent également à la question légale. Dans la ligne de mire de la confédération, en premier lieu, le code du travail. Un document que la CGEM avait rendu public en septembre 2014 avait plaidé en faveur d’un code «au service du développement et de la responsabilité sociale». La CGEM avait dans ce sens fait le constat de dysfonctionnements.
Manque d’entrain de l’Exécutif
Pour y contrecarrer, elle avait opposé plusieurs propositions d’amélioration relatives au contrat de travail et les sanctions et procédures disciplinaires. Ces propositions restent encore lettre morte.
Deuxième point de discorde, le droit de grève. Là également, la CGEM avait livré en décembre 2014 un texte de loi organique régissant le droit. Cependant, tant le patronat que le gouvernement continuent de buter sur les syndicats. La proposition de la CGEM s’appuyait entre autres sur l’obligation de donner un préavis de grève, le recours aux procédures de conciliation, de médiation ou d’arbitrage ou encore l’obligation d’assurer un service minimum dans certains cas. Les centrales avaient aussitôt fait de rejeter le texte.
Balkanisation syndicale
Enfin, la CGEM s’oppose à la balkanisation du champ syndical. Le pays compterait trente-cinq syndicats. Parmi eux, seulement cinq seraient de taille critique et à même de mener avec effet le dialogue avec le patronat et le gouvernement. En conséquence, la CGEM appelle à l’adoption d’une réglementation dans ce sens. Cela étant, la question se pose de savoir si l’opposition entre la CGEM et le gouvernement ne serait pas en fait politique. Car au-delà des divergences de principe –la CGEM défendant les intérêts du patronat, l’Exécutif jouant l’équilibriste au milieu avec les syndicats– il semble que les tensions régentant les rapports entre les deux parties ne s’en tiennent pas uniquement aux seuls aspects économiques. Face à la désinstrualisation dont dès son premier tête-à-tête en 2013 avec le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, Mme Bensalah- Chaqroun s’était inquiétée, la CGEM avait dévoilé en mars 2014 une batterie de mesures dans ce sens. M. Elalamy, qui venait de présenter quelques jours plus tôt son Plan d’accélération industrielle 2014- 2020, n’avait pas hésité à comparer les recommandations du patronat à une «liste d’épicier»
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- par Wissam El Bouzdaini
- 20-03-2015
- Economie