Karima Jaouane : "Les bahaïs ne sont nullement persécutés au Maroc"

Karima Jaouane, âgée de 44 ans, est une femme au foyer de confession bahaïe. Qu’est-ce qui l’a poussée à choisir cette croyance plutôt qu’une autre et comment la vit-elle dans une société musulmane?

Qu’est-ce qui a fait que vous êtes devenue Bahaïe?
D’abord, quoique mes parents l’aient été, cela n’a pas suffi à ce que je le devienne à mon tour. Ce n’est pas automatique. Etre bahaï de père en fils ne fait pas sens ici. Je considère que toutes les religions appellent à la raison. Et qu’en définitive, le choix d’une religion reste personnel.

De la même façon que je ne contrains pas mes deux enfants à devenir des bahaïs. Pour ce qui est de moi, j’ai fouillé, comme il se doit, dans les religions monothéistes d’abord, le Judaïsme, le Christianisme, l’Islam, puis d’autres comme le Bouddhisme mais, je me suis sentie plus de coeur pour la foi bahaïe. Ou c’est là où j’ai trouvé mon cœur...

Vous avez dit que les enfants ont le droit de choisir la religion qu’ils veulent, qu’en est-il de votre époux ?
Je vais vous dire, mon père fut d’abord bahaï, puis ma mère après. Il se sont mariés alors qu’ils étaient de religions différentes. Lui bahaï, elle musulmane, la foi bahaïe n’interdisant pas l’union entre deux personnes de croyances différentes. Le même cas s’impose pour moi. Nous avons décidé, mon mari et moi, de garder chacun sa foi. Lui, étant musulman au début, il voulait que nos enfants, âgés aujourd’hui de 14 et 12 ans, soient musulmans aussi. Chose que j’ai respectée.

Vous l’avez poussé à se convertir au bahaïsme? Et vos enfants?
Pas du tout, il est devenu bahaï de son propre gré. Je n’y suis pour rien. Il avait pourtant essayé de trouver des tares à notre religion, mais en vain. Cela dit, il pouvait tout aussi bien garder sa foi, ça ne m’aurait en rien dérangée. Quant à mes enfants, il sont libres de choisir la relgioin qu’ils veulent.

Comment vivez-vous votre croyance au quotidien dans une société majoritairement musulmane? D’autant qu’il y a peu de temps les bahaïs étaient persécutés?
Dieu merci, croyez moi le fait d’être bahaïe ne me pose aucun problème. Je ne me sens absolument pas persécutée. Ni par l’entourage, ni par les autorités. je dirais même ce ces dernières nous traitent avec égard et bienséance. Quant aux problèmes vécus par nos prédécesseurs au début des années 60, une période particulière, c’est du passé. Grâce à Dieu, nous vivons dans un Maroc tolérant et pluriel.

Pourquoi cette croyance plutôt qu’une autre? Beaucoup voient en vous une secte.
La foi bahaïe n’est pas une secte. C’est une religion à part entière et indépendante. Elle n’est pas non plus une rupture avec les autres religions que le monde a connues. Notamment, à l’égard des religions monothéistes, à savoir, le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Dieu a une action continue sur l’univers. Par conséquent, la révélation n’est pas appelée à cesser.

Comment la communauté bahaïe est-elle organisée?
Sachez qu’il y a trois ordres qui régissent les affaires de la communauté bahaïe. Des affaires tout autant spirituelles que sociétales et orgranisationnelles. D’abord, il y a ce qu’on appelle une assemblée spirituelle locale, composée de 9 membres élus au bout de chaque année par la communauté locale. Puis une assemblée spirituelle nationale, faite à son tour de 9 membres également élus. Puis une assemblée spirituelle internationale, de 9 membres aussi, ce qu’on appelle la Maison universelle de justice et qui se trouve à Haïfa, en Israël, chargée, elle, de veiller à la bonne discipline de la communauté de par le monde.

Pourquoi le chiffre 9 revient autant dans votre organisation?
Si le chiffre 9 est si présent, c’est qu’il symbolise les neuf années qui ont suivi l’annonce du Bab à Chiraz. Les neuf années au bout desquelles Baha’u’llah a reçu la révélation divine au cachot de Téhéran.

Quelles sont les valeurs de la foi Bahaïe?
D’abord l’amour. Baha’u’llah dit bien: «Ne vous contentez pas de manifester votre amitié par des paroles, mais que votre coeur brûle d’amour pour tous ceux que vous croisez sur votre route». Donc aimer l’autre quelle que soit sa religion, l’autre en tant qu’humain d’abord. Etre à son service. L’indifférence fait ravage de nos jours, c’est à peine si on prête un oeil aux défavorisés. Puis, on ne le dira jamais assez: l’éducation. Une éducation à même d’inculquer à l’enfant l’amour du prochain, l’altruisme, cette conscience de faire partie d’un tout, cette responsabilité quant à l’autre. Le temple bahaï, par exemple, n’est pas qu’un lieu de culte. On trouve aussi bien en son sein une école, un hôpital, de quoi garantir un minimum de dignité à l’être humain.

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