Une journée au Centre régional de transfusion sanguine de Casablanca


Quand le sang devient une denrée rare


Le sang se raréfie sérieusement dans notre pays. Les Marocains ne donnent plus leur sang. Pour mesurer la gravité de cette situation, nous avons effectué une visite au Centre régional de transfusion sanguine de Casablanca.

À quelques pas du CHU de  Casablanca, au quartier emblématique  des Hôpitaux, se  trouve, dans une ruelle, le  Centre régional de transfusion  sanguine. Une ancienne bâtisse, avec des  murs délabrés, des grillages et des fenêtres  mal entretenus et des escaliers complètement  abîmés. La construction date certainement du  temps du protectorat français.

Dans l’enceinte aérée de l’entrée, indiquée par  une plaquette rouge où est écrit «Donnez du  sang, sauvez des vies», patientent beaucoup  de femmes et d’hommes, certains debout,  d’autres assis sur des chaises sommaires,  protégés contre le soleil par une vieille charpente.  Mais la chaleur étouffante qui règne ce  jeudi 18 mai 2017 aggrave le calvaire de ces  personnes, toutes en sueur, en attente de récupérer  des poches de sang à ramener à leurs  proches hospitalisés. Glacières à la main, elles  sont prêtes à endurer des heures et des heures pour avoir le précieux fluide. Alia, étudiante à  l’université, vit cette situation depuis plusieurs  mois. Trois fois par semaine, elle vient récupérer  des poches de sang pour sa maman,  atteinte de cancer du foie. «Il m’arrive, des fois,  de patienter jusqu’à huit heures pour avoir le  sang. Vu le temps long que je passe ici, j’ai dû  abandonner mes études. Je me suis entièrement  consacrée à ma mère depuis qu’elle est  tombée malade».

Le même calvaire est vécu par Rachid, dont le  grand frère, Abdallah, est atteint d’un cancer  de sang. Hospitalisé dans une clinique privée  réputée à Casablanca, Abdallah a besoin d’un  changement de sang plusieurs fois par semaine.  Sur ordonnance de son médecin traitant,  le Centre lui livre le sang dont il a besoin.  En cas de pénurie, ce qui est régulièrement le  cas, des proches de sa famille sont invités à  donner leur sang. «Pour des considérations humaines  et d’urgence médicale, on a beaucoup  assoupli notre procédure d’octroi de sang. A  l’époque, pour avoir du sang, il fallait des donneurs.  Aujourd’hui, on donne le sang à celles  et ceux qui en ont besoin en se basant sur les  instructions écrites des médecins traitants»,  explique Docteur Bouissek Kamal, directeur  du Centre. Le demandeur se présente à un  guichet, à gauche de l’entrée, pour déposer sa  demande.

Procédure simplifiée
Celle-ci est, rapidement, transférée au laboratoire  d’analyses, qui l’examine et les résultats  sont donnés, quelques minutes plus tard, dans  un deuxième guichet, non loin du premier.  Après avoir récupéré les résultats, le demandeur  se représente au premier guichet pour  récupérer les poches de sang. La procédure  paraît, ainsi, simple et limpide.

Pour faire face à la pénurie de sang, qui demeure un énorme  problème de santé publique chez nous, le Centre national de  transfusion sanguine organise des campagnes de sensibilisation.  La dernière en date a commencé au début du mois de  Ramadan et a lieu dans les mosquées de plusieurs villes du  Royaume. Cette campagne n’intervient pas seulement pour  intensifier la collecte, mais se veut une sonnette d’alarme pour  sensibiliser le plus grand nombre de Marocains sur la nécessité  de donner son sang. Au Centre régional de Casablanca,  le personnel se mobilise activement pour accompagner cette  opération nationale de grande envergure. Mais donner son  sang n’est pas conjoncturel ou lié à des circonstances particulières.  Le don de sang peut se réaliser à tout moment. Il  suffit seulement de s’armer de volonté. Une salle dédiée et  bien équipée, au Centre de Casablanca, est disponible pour  les donneurs. Une vingtaine de fauteuils bleus sont alignés en  deux rangées. Moins de dix personnes étaient là, ce jeudi 18  mai, à 15 heures. «Normal, explique une infirmière. L’heure  est assez tardive. Par contre, le matin, de nombreux donneurs  peuvent se présenter, mais, en réalité, c’est encore très  largement insuffisant pour faire face à une demande de plus  en plus forte ». Dans cette salle, c’est un don de sang total  qui est prélevé dans une poche triple stérile à usage unique.

La campagne de Ramadan
Une femme peut donner son sang 3 fois par an et un homme  5 fois par an. L’âge du donneur varie entre 18 et 60 ans. Avant  le prélèvement, un entretien médical confidentiel obligatoire  permet au médecin de connaître l’état de santé du donneur.  Le médecin apprécie si ce dernier peut donner son sang sans  risque pour sa santé et celle du malade. Cette phase est primordiale  pour la sécurité transfusionnelle. Le processus est  bien encadré et verrouillé pour respecter les procédures de  surveillance depuis la collecte du sang jusqu’au suivi des receveurs.  La quantité prélevée est de 400 ml, soit 7% du sang  de l’organisme.

Contrairement aux premières apparences, le Centre de Casablanca,  considéré comme une véritable banque du sang,  fonctionne selon des règles d’hygiène extrêmement rigoureuses.  Les conditions de conservation des plaquettes, du  plasma et des globules rouges ne sont pas les mêmes, ni  la température de conservation. A titre d’exemple, les plaquettes  sanguines ne peuvent être conservées que pendant  cinq jours. Le Centre dispose actuellement de la dernière génération  des appareils d’analyses médicales. C’est dire tout  l’effort d’investissement colossal consenti par le ministère de  la Santé en termes d’équipement.

A cela s’ajoutent une équipe de médecins spécialistes, des  infirmiers dévoués et des techniciens de laboratoire. Tout un  monde dédié à la collecte et au traitement du sang. Ne s’agitil  pas, là, d’une mission noble tant elle sert à sauver des vies  humaines?

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