Il est impératif que le gouvernement Aziz Akhannouch n’ouvre aucune nouvelle négociation avec la commission européenne tant que celle-ci n’a pas tranché vis-à-vis de l’intégrité territoriale du Maroc.
C’est très exactement le 17 juillet 2023 que doit prendre fin l’accord de pêche liant depuis 2019 le Maroc et l’Union européenne (UE). Depuis le premier accord signé le 25 février 1988 à Bruxelles, on avait pris l’habitude d’assister lors d’une telle échéance à des négociations plus ou moins avancées avec les dirigeants du Vieux Continent en vue d’un renouvellement. Mais il n’en est actuellement rien.
Pour la première fois en plus de trois décennies, les bateaux de pêche européens pourraient en fait bientôt se voir empêcher de mouiller dans la zone économique exclusive (ZEE) nationale. La faute au harcèlement juridique dont depuis huit ans fait l’objet le Maroc. En effet, aussi bien l’accord de juillet 2014 que celui en cours ont été battus en brèche par la Cour de justice de l’UE (CJUE). D’abord au motif que le littoral du Sahara marocain ne pouvait être concerné de facto car l’UE n’y reconnaît pas la souveraineté du Maroc -ce qui, du propre point de vue du droit international dont se prévaut la CJUE, est une aberration, étant donné que du moment que la région tire les bénéfices, Rabat est pleinement habilitée à l’administrer.
Ensuite, lorsque les provinces du Sud furent explicitement mentionnées dans le présent accord, parce que les populations locales n’auraient pas été consultées, alors qu’un rapport de l’eurodéputé français Alain Cadec, validé en février 2019 par le parlement européen, avait relevé de façon claire le contraire. Pour le moins, il est évident qu’il y a un biais anti-marocain chez la CJUE, mais autant on peut lui jeter la pierre, autant c’est la commission européenne qui assume, en vérité, la responsabilité la plus grande: in fine, c’est parce qu’elle n’a pas pris position de façon ne pouvant souffrir aucun ambage en faveur de l’intégrité territoriale du Maroc que les juges européens ont pu s’engouffrer dans la brèche; un juge favoriserait-il à titre personnel la séparation du Sahara marocain qu’il se heurterait au bout du compte aux décisions des plus hautes instances politiques.
Ainsi, qu’attendre de la CJUE lorsque le vice-président de la commission européenne et haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, prend ouvertement position en faveur de l’organisation d’un soi-disant référendum d’autodétermination (ce qu’il avait fait le 23 août 2022 dans une déclaration à la chaîne publique espagnole TVE)? Ce dernier pouvait ainsi bien par la suite tempérer ses propos, notamment à Rabat même lors de sa visite des 5 et 6 janvier 2023, et l’UE même compter sur l’indulgence du Maroc qui vint lui-même à la rescousse pour expliquer que “cette déclaration (...) ne reflète ni la position de l’Espagne, ni la position de l’UE vis-à-vis du Sahara” -propos tenu le 25 août 2022 par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, en présence de son homologue allemande Annalena Baerbock-, toujours est-il que l’on reste dans l’ambiguïté dénoncée à maintes reprises par le roi Mohammed VI dans ses différents discours ces dix dernières années.
À cet égard, on rappellera cette prise de position sans appel du Souverain dans l’allocution qu’il avait donnée le 6 novembre 2021, à l’occasion du 46ème anniversaire de la Marche verte: “À ceux qui affichent des positions floues ou ambivalentes, nous déclarons que le Maroc n’engagera avec eux aucune démarche d’ordre économique ou commercial qui exclurait le Sahara marocain.” De ce fait, il est impératif que le gouvernement Aziz Akhannouch n’ouvre aucune nouvelle négociation avec la commission européenne tant que celle-ci n’a pas tranché vis-à-vis de l’intégrité territoriale du Maroc, car on se retrouvera de façon inévitable encore au milieu d’un long feuilleton juridique auquel l’on n’a pas à se mêler, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un problème que la partie marocaine doit régler.
Un pays comme l’Espagne, dont proviennent plus de 70% des bâteaux qui profitent jusqu’ici de l’accord de pêche, va certainement, pour sa part, y perdre au change, mais ses décideurs devront bien se dire que la faute incombe à leurs pairs de l’autre rive du détroit de Gibraltar, pas au Maroc. En d’autres termes, à eux de savoir agir en conséquence.