Imane Oukheir : "Il faut respecter le deuil de la famille de Rayan"

Entretien avec Imane Oukheir, pédopsychiatre et psychothérapeute.

Quel a été l’impact de la tragédie de Rayan sur nos enfants? Comment les accompagner? Comment soutenir et accompagner psychologiquement la famille de Rayan? Imane Oukheir, pédopsychiatre et psychothérapeute répond à ces questions, en insistant sur la nécessité de suivre psychologiquement la famille du défunt Rayan tout en respectant leur deuil.

Le drame du petit Rayan a bouleversé les Marocains. Quel est l’impact de cette tragédie et sa médiatisation sur les enfants?
L’impact du drame de Rayan sur les enfants dépend de plusieurs paramètres. Le premier est lié à l’âge de l’enfant. Plus on est jeune, moins on est avisé par rapport au concept de la mort et on a tendance à penser que c’est provisoire. Il faut aussi savoir si l’enfant a déjà vécu un état de deuil et comment le sujet a été abordé par l’entourage, à savoir la famille et les amis. Le dernier paramètre est lié au contenu audiovisuel auquel l’enfant est exposé.

S’ils sont bien accompagnés, les enfants vont suivre le processus de deuil normal. Dans le cas contraire, ils pourraient développer des idées erronées concernant le sujet de la mort. Ils peuvent aussi développer un état de stress aigu qui pourrait se manifester par une réaction dépressive, des signes d’anxiété, des régressions psychologiques, des manifestations psychosomatiques et une baisse du rendement scolaire. Cet état pourrait être éventuellement la porte vers d’autres troubles chroniques.

Comment accompagner alors ces enfants?
Pour accompagner nos enfants, il faut d’abord les protéger de l’exposition excessive aux infos, vérifier le contenu qu’ils regardent, leur demander ce qu’ils ont compris, et leur expliquer la situation. Il faut surtout réduire l’accès aux infos à une fois par jour, malgré leur curiosité. Il faut ensuite surveiller de très près s’il y a eu des changements dans leurs comportements et leur humeur dans le but d’agir le plus tôt possible en faisant intervenir des professionnels.

La famille de Rayan a été très exposée ces derniers temps aux médias. Quel en est le risque? Ne faut-il pas les laisser vivre leur deuil?
Pour la famille de Rayan, il existe en effet plusieurs problématiques. D’abord, la perte d’un être cher et puis l’exposition aux médias et l’étalage de leur vie privée, chose à laquelle ils ne sont pas préparés. Pour les aider, un premier soutien et un accompagnement seraient nécessaires, mais il faut par la suite respecter leur deuil et leur donner l’opportunité de recréer un peu l’équilibre dans leur vie après de tels événements, parce que, finalement, c’est avec leurs propres moyens de résilience qu’ils pourraient le mieux s’en sortir.

N’est-il pas nécessaire de mettre en place un véritable suivi psychologique au profit de cette famille?
Comme tout état de deuil, il faudrait surveiller de près les personnes qui le vivent pendant les premières semaines parce qu’il y a un risque de développer un état de stress post-traumatique vu les circonstances aggravantes de la mort du petit Rayan. En cas de signe de souffrance ou de stress psychologique, une intervention ou un suivi psychologique, voire psychiatrique, serait nécessaire.

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